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Libération
Biocarburants

Devant les dépôts de carburant, les agriculteurs dénoncent les «incohérences» du gouvernement

(Photo Patrick Gherdoussi pour Libération)
publié le 11 juin 2018 à 8h02
(mis à jour le 11 juin 2018 à 8h47)

Tracteurs, bottes de paille et détermination: les agriculteurs protestaient ce lundi devant 13 raffineries et dépôts de carburant contre les «incohérences du gouvernement» et les importations de produits agricoles qui ne respectent pas les critères français et européens, dont l'huile de palme utilisée dans les biocarburants.

«Nous avons entre 70 et 160 personnes sur 13 sites, et un quatorzième va être bloqué à partir de 9h30, celui de Donges en Loire-Atlantique», a indiqué ce matin à l'AFP Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, premier syndicat agricole français qui a appelé au mouvement avec celui des Jeunes Agriculteurs (JA) pour trois jours reconductibles.

«L'organisation est faite pour durer» car «le dialogue est rompu» avec le gouvernement, explique Damien Greffon, président de la FRSEA d'Ile-de-France, devant le dépôt de carburant de Grigny (Essonne) où les agriculteurs ont déversé de grandes quantités de fumier, de terre et de pommes de terre pour bloquer les accès, sous les yeux de CRS. «La France importe un certain nombre de produits qui ne respectent pas les règles qu'on impose aux agriculteurs français. Ça concerne aussi bien la viande du Mercosur, le vin espagnol que l'huile de palme», dit-il à l'AFP.

De son côté, Stéphane Travert, le ministre de l'Agriculture, a déclaré que le gouvernement «ne reviendra pas» sur l’autorisation donnée à Total d’importer de l’huile de palme.

L’accès au site Total de La Mède (Bouches-du-Rhône) est lui bloqué depuis dimanche soir par plusieurs dizaines d’agriculteurs. Jusqu’à 300 000 tonnes par an d’huile de palme, produit hautement controversé car accusé de favoriser la déforestation en Asie du Sud-Est, doivent être importées pour alimenter la bioraffinerie qui doit y démarrer cet été.

Pas de pénurie en vue 

Nécessitant jusqu'à 650 000 tonnes de matières premières par an, la bioraffinerie de La Mède utilisera aussi d'autres huiles, dont 50 000 tonnes de «colza français», a promis début juin le PDG de Total, Patrick Pouyanné. Inacceptable pour les agriculteurs qui ont fait leurs comptes. «Avec la Mède, nous allons perdre 400 000 hectares de colza sur 1,5 million d'hectares au total» estime Samuel Vandaele.

Le mouvement des agriculteurs est observé avec intérêt par les ONG environnementales, d’ordinaire opposées à la FNSEA dans les dossiers phytosanitaires. Les paysans espèrent aussi le soutien des consommateurs, en dénonçant les effets sur le contenu des assiettes d’accords commerciaux internationaux, comme le CETA signé avec le Canada et l’accord UE-Mercosur en cours de négociation.

Les agriculteurs demandent la réintroduction dans la loi Alimentation, examinée à partir du 26 juin au Sénat, d’un amendement sur l’interdiction d’importer toute denrée produite en utilisant des substances phytosanitaires interdites dans l’Union européenne.

Ils souhaitent aussi que le gouvernement renonce à son contingent d'importation d'huile de palme, et réclament un allègement du coût du travail salarié de saisonniers «qui est 27% plus élevé qu'en Allemagne et 37% plus qu'en Italie», selon Mme Lambert.

Une pénurie de carburant n’est pas à craindre dans l’immédiat, la France comptant au total sept raffineries en activité ainsi que 200 dépôts de carburant. De plus, l’Etat dispose de stocks stratégiques pour trois mois.