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Innovation

Des navettes tricolores et globe-trotteuses

Deux PME françaises vendent dans le monde entier des véhicules électriques autonomes. Sise à Lyon, Navya est déjà présente dans 17 pays.
par Maïté Darnault, (à Lyon)
publié le 14 novembre 2018 à 17h07

Elles ne sont encore que deux au monde à livrer leurs véhicules sur un marché en plein essor. Et elles sont françaises… La PME lyonnaise Navya et la start-up toulousaine EasyMile sont les entreprises leaders de la construction de navettes électriques autonomes. Elles devraient bientôt se confronter à de nouveaux concurrents, à l’instar du constructeur automobile américain Local Motors. Elles comptent bien, d’ici là, garder une longueur d’avance dans la course à la performance technologique.

Dans l’Hexagone, c’est à Lyon que les premières navettes de Navya, associé au transporteur Keolis, ont circulé sur la voie publique. Depuis septembre 2016, elles effectuent un parcours d’1,3 km à une allure de 20 km/h dans le quartier de la Confluence, sans chauffeur mais sous la surveillance d’un opérateur qui accueille les passagers à bord (jusqu’à quinze) et résout les éventuels bugs. Le véhicule, symétrique afin de repartir en sens inverse sans demi-tour, a également effectué trois circuits tests sur le parvis de La Défense durant six mois, de juin à décembre 2017.

Relais. Créée en 2014, Navya a aujourd'hui transporté plus de 275 000 personnes et a franchi le cap des 100 navettes vendues dans 17 pays tels l'Australie, la Suisse, l'Allemagne, le Japon et plus récemment les Etats-Unis. Ses engins évoluent sur la voie publique, en ville (à Fribourg, Perth, Las Vegas ou Candiac, au Québec) et sur des sites privés, qu'il s'agisse d'industries (EDF Civaux, Tepco à Fukushima), d'aéroports (Francfort, Christchurch en Nouvelle-Zélande), d'hôpitaux (Scheemda aux Pays-Bas), de parcs d'attraction ou de zones de loisirs (à Singapour, Hongkong ou Sydney) et de campus (La Trobe University de Melbourne ou l'université du Michigan). Des espaces où la navette autonome répond à l'enjeu du premier et du dernier kilomètre, en relais d'un système de transports plus complexe.

«Partout où on livre nos véhicules, on est encore sur ce domaine d'application, explique Christophe Sapet, président du directoire de Navya. Mais plus les technologies s'améliorent, notamment la capacité des batteries de plus en plus performantes, plus la vitesse va pouvoir augmenter, jusqu'à atteindre les 30 à 40 km/h (ce qui est la moyenne en ville) et plus la distance parcourue pourra être grande.» Entre 2016 et 2017, Navya a multiplié son chiffre d'affaires par cinq, pour atteindre les 20 millions d'euros. Elle a récemment confirmé un objectif de 30 millions d'euros pour 2018. Le 23 juillet, la PME a réussi son introduction en Bourse, levant plus de 37 millions d'euros d'actions nouvelles. Depuis, elle a aussi obtenu un financement de 30 millions supplémentaires de la Banque européenne d'investissement.

Egalement fondée en 2014, la start-up toulousaine EasyMile la talonne, avec le déploiement de 85 exemplaires de sa navette autonome électrique, l’EZ10, sur plus de 200 sites dans une trentaine de pays. Avec près de 400 000 kilomètres au compteur, elle vise pour 2018 un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros. En septembre, Bpifrance a annoncé investir 6,5 millions d’euros dans l’entreprise, parachevant une levée de fonds d’un total de 34 millions d’euros, qui compte parmi ses contributeurs le géant européen des transports Alstom et l’équipementier automobile allemand Continental. Deux EZ10 ont pu arpenter durant deux mois le site du Centre d’énergie atomique de Saclay, en Ile-de-France. Ce test, opéré par la RATP, a permis de transporter jusqu’à une douzaine de personnes sur un parcours de 2,6 kilomètres à une vitesse de 12 km/h.

Tout comme Navya, l’EZ10 a fait ses premiers roulages dans un milieu semi-ouvert, sur des boucles prédéfinies de courte distance, afin de se familiariser avec un environnement moins hostile que la circulation urbaine habituelle. Le perfectionnement accéléré des capteurs, qui sont les yeux du véhicule, pousse à une généralisation de la circulation des navettes autonomes.

Scolaire. «En France, les demandes émanent aujourd'hui d'autres entités que les transporteurs, nous venons de passer des accords avec des caristes et beaucoup de municipalités sont volontaires pour aller de l'avant», détaille Christophe Sapet, chez Navya. En attendant de croître à domicile, les deux «petites» françaises continuent de se projeter à l'international, convoitant notamment le marché américain. Depuis la rentrée scolaire, la commune de Babcock Ranch, en Floride, s'est associée au transporteur Transdev pour l'essai une navette scolaire autonome, l'Easy 10 Gen II, conçue par EasyMile. Mais au pays de l'automobile (à essence) reine, l'argument énergétique ne pèse pas lourd : «Aux Etats-Unis, le moteur électrique attire peu, constate Christophe Sapet. Il faut convaincre avec d'autres aspects, comme ceux de l'excellence technologique et de la sécurité.»