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CES

Le salon américain de la high-tech accusé de sexisme après avoir exclu un sex-toy féminin

Un vibromasseur à destination des femmes s'est vu retirer sa récompense par le Consumer Electronics Show, salon annuel de l’électronique grand public qui se tient cette semaine à Las Vegas. Des poupées sexuelles pour hommes y ont pourtant déjà été exposées, rappelle sa conceptrice, qui dénonce des «biais genrés».
Dans les allées du Consumer Electronics Show de Las Vegas, le 11 janvier 2018. (Photo Ethan Miller. AFP)
publié le 9 janvier 2019 à 17h12

Le Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas a-t-il un problème avec la sexualité féminine ? Le grand raout de l'innovation technologique, qui a débuté mardi, est au cœur d'une polémique pour avoir exclu de ses lauréats un vibromasseur féminin, conçu par une start-up américaine dirigée par une femme. Récompensé dans un premier temps pour sa technologie novatrice, l'engin (dénommé «Osé») a finalement été disqualifié et banni de l'événement, régulièrement accusé par le passé d'être trop masculin, relate notamment le site spécialisé Techcrunch.

Lora DiCarlo, l'entreprise à l'origine de l'invention, s'est vu notifier fin octobre dernier par mail le retrait de son prix, reçu quelques jours plus tôt, a expliqué mardi sa fondatrice, Lora Haddock. Le joujou, qui utilise une «microrobotique sophistiquée» visant à recréer «tous les sensations d'une bouche, d'une langue et de doigts humains», avait été primé dans la catégorie «Robotique et drones». La Consumer Technology Association (CTA), qui organise le salon, a annulé le prix, invoquant une clause qui prévoit qu'une innovation jugée «immorale, obscène, indécente, blasphématoire» ou «non conforme à l'image» de l'événement peut être disqualifiée.

Les organisateurs ont ensuite fait machine arrière en affirmant que le sex-toy n'était pas éligible à la catégorie dans laquelle il avait postulé et qu'il n'aurait pas dû être accepté. De quoi provoquer l'ire de la fondatrice et PDG de la start-up, qui a défendu son innovation contre les «biais genrés» des organisateurs : «Notre produit a été conçu en partenariat avec un laboratoire universitaire de pointe en robotique [l'université de l'Oregon, ndlr]», a répondu Lora Haddock dans une lettre ouverte. «"Osé" fait l'objet de huit demandes de brevets» et est «le résultat de prouesses techniques en biomimétisme», fait valoir l'entrepreneuse, qui explique collaborer notamment avec des ingénieures spécialisées en ingénierie mécanique ou en science des matériaux.

«Sexualité féminine mise en sourdine»

Pour Lora Haddock, cette exclusion est surtout la preuve d'un «deux poids deux mesures en matière de sexualité» dans le domaine de la high-tech. «La sexualité masculine a le droit d'être explicite», écrit-elle, citant des produits et services exposés par le passé dans les allées du salon de Las Vegas, comme «une poupée sexuelle robotisée ayant l'aspect d'une femme aux proportions irréalistes, ou du contenu pornographique en réalité virtuelle». «La sexualité féminine, en revanche, est mise en sourdine, quand elle n'est pas carrément prohibée, dénonce-t-elle. Vous ne pouvez pas prétendre ne pas être biaisé si vous autorisez un robot sexuel à destination des hommes, mais pas un vibromasseur vaginal.» Lors de l'édition 2018 du salon, les visiteurs (majoritairement masculins) pouvaient en effet assister à des projections X en réalité augmentée dans une salle dédiée, tandis qu'un club de strip-tease voisin avait fait parler de lui avec ses robots faisant de la pole dance. A noter tout de même qu'un sex-toy de rééducation du périnée, à destination des femmes, avait été récompensé en 2016.

Reste que révoquer un prix à un produit conçu par et pour des femmes renforce l'impression que ces dernières ne sont pas vraiment les bienvenues au CES de Las Vegas, fréquemment critiqué pour son manque de représentation féminines, rappelle le site The VergePendant deux années consécutives, aucune conférencière féminine n'était initialement programmée (les interventions sont paritaires depuis 2019) alors que la présence d'hôtesses en tenue légère (surnommées les «booth babes») était toujours autorisée.