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Télécoms

Avec Huawei, la Chine en première ligne

En pointe sur la 5G, l’entreprise chinoise provoque l’ire des Etats-Unis et de ses alliés, qui l’accusent d’espionnage pour le compte de Pékin.
Le 8 janvier à Las Vegas, lors du salon américain de la high-tech. (Photo David Becker. AFP)
publié le 28 février 2019 à 21h16

La bataille de la 5G commence juste. Mais derrière les grandes manœuvres des Etats, équipementiers et opérateurs pour tirer profit de ses technologies, une nouvelle confrontation planétaire se dessine. Elle oppose la Chine, nouvelle puissance high-tech - dont le géant des télécoms Huawei est aujourd'hui le plus avancé dans la 5G - aux Etats-Unis et le reste du monde. «Les Chinois vont se servir de cette technologie pour apparaître non plus comme le champion du low-cost mais comme le pays le plus en pointe dans l'innovation, analyse Sylvain Chevallier, en charge des télécoms dans le cabinet de conseil Bearing Point. Et comme Huawei est le seul acteur présent sur toute la chaîne de la 5G, des terminaux au cœur de réseau, ils ont quelques arguments à faire valoir. Pour qui veut la déployer rapidement, il sera difficile de se passer d'eux.»

Contre-offensive

Les Américains et plusieurs de leurs alliés, comme l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, font tout ce qu'ils peuvent pour empêcher Huawei d'accéder à leurs marchés. Et ils font pression sur l'Europe pour qu'elle fasse de même. Un sujet «prioritaire» pour la diplomatie américaine, qui était présente à Barcelone pour marteler son argumentaire anti-Huawei.

Accusé par les Etats-Unis de vol de propriété intellectuelle et de commerce avec l'Iran, Huawei est aussi soupçonné de se servir de la 5G comme d'un cheval de Troie pour espionner les entreprises pour le compte de Pékin. Venu en force au World Mobile Congress, l'industriel, devenu en quelques années le deuxième fabricant de mobiles au monde derrière le coréen Samsung et devant Apple, a profité de sa présence pour lancer sa contre-offensive médiatique. «Les accusations américaines concernant la sécurité de nos équipements 5G ne reposent sur aucune preuve, a déclaré Guo Ping, un des présidents de la multinationale. Huawei n'a jamais installé et n'installera jamais de "backdoor" [porte dérobée, ndlr] et n'autorisera personne à le faire sur ses équipements.»

Souveraineté

Du côté des Européens, qui ne veulent pas appliquer un protectionnisme qu'ils reprochent aux Chinois, la prudence est de mise. Si certains, comme le britannique Vodafone, ont décidé de «faire une pause» avec Huawei, la plupart des opérateurs pointent le retard que pourrait prendre l'Europe en radiant le chinois de la liste de ses fournisseurs. En France, où les opérateurs, à l'exception d'Orange, utilisent déjà massivement ses équipements, aucune décision n'a été prise quant à sa participation aux futurs équipements 5G. Mais Stéphane Richard, le PDG d'Orange, qui a recours à Huawei pour ses réseaux espagnols et polonais, a reconnu que son bannissement pourrait poser un «gros problème». «C'est le numéro 1 du secteur avec une part de marché d'environ 30 %, a-t-il expliqué. C'est une crise qui pourrait déséquilibrer l'industrie entière des télécommunications en déstabilisant toute la chaîne d'approvisionnement.»

Si Huawei était exclu, cela ferait l'affaire de ses principaux concurrents et des deux poids lourds européens du secteur, Ericsson et Nokia. Mais avec le risque de limiter la concurrence, de voir les prix monter et, in fine, de retarder l'arrivée de l'ultra-haut débit mobile. «L'arrivée de la 5G pose clairement pour les Etats la question des enjeux de souveraineté nationale et numérique, et donc d'un possible protectionnisme, conclut Sylvain Chevallier. Mais un bannissement de Huawei se paiera également d'un coût économique. Il va falloir trancher.»