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Wall street

Uber en route vers une entrée en Bourse à 100 milliards de dollars

Le leader mondial du transport à la demande annonce son introduction pour le mois prochain, une opération financière qui devrait être la plus importante de l'année 2019.
Jump est une société de bicyclettes électriques en libre-service rachetée par Uber. (Photo Glenn Chapman. AFP)
publié le 11 avril 2019 à 21h21

L'homme qui valait trois milliards peut aller se rhabiller. Attendue depuis des lustres, l'introduction en Bourse (IPO) d'Uber Technologies pourrait valoriser l'entreprise archétypale du modèle de la start-up entre 90 et 100 milliards de dollars. Soit, selon le Wall Street Journal, environ trente fois son déficit, 3,3 milliards de dollars l'an dernier et dix fois son chiffre d'affaires, de l'ordre de 11 milliards de dollars en 2018 (9,7 milliards d'euros). Attendue ce jeudi, la publication du document boursier du leader mondial du transport à la demande doit ainsi marquer le coup d'envoi d'une opération financière qui s'annonce comme la plus importante de ces dernières années sur les marchés. Et si tout se passe comme prévu, la première cotation d'Uber à Wall Street aura lieu le 9 mai prochain.

L’an dernier, lors de sa dernière grande levée de fonds, le géant des VTC qui ne dégage toujours pas de profits et continue de cramer quelques milliards de dollars par an pour financer son développement et ses diversifications tous azimuts (trottinettes, vélos, livraisons, voiture autonome en attendant les taxis volants, etc.) avait été valorisé à 76 milliards de dollars. Mais il y a quelques semaines, des banquiers d’affaires avaient estimé qu’une cotation pourrait valoriser l’entreprise jusqu’à 120 milliards de dollars. La fourchette actuelle, révélée par des sources proches d’Uber, se situe entre les deux. Le dernier résultat connu de l’entreprise fait état d’une perte de 842 millions de dollars au quatrième trimestre 2018, pour un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros.

«IPO» géante

A ce stade, les modalités de cette «IPO» géante ne sont pas encore toutes connues. On sait simplement qu’Uber, qui n’a que dix ans d’âge, compte lever 10 milliards de dollars. Selon Reuters, le groupe californien va émettre de nouveaux titres mais également mettre en vente une partie des actions détenues par ses investisseurs. Le plus gros d’entre eux s’appelle Softbank, un fonds d’investissement japonais spécialisé dans la «Tech» et notamment financé par des capitaux saoudiens. En 2018, cette société dirigée par Masayoshi Son dit «Masa», un milliardaire japonais parfois présenté comme le plus influent des capital-risqueurs au monde, avait acquis 15% du capital d’Uber pour 7,7 milliards de dollars. Une excellente affaire paraît-il, à un prix bradé par rapport aux valorisations précédentes. Quelques mois plus tard, c’était au tour d’un autre poids lourd nippon, le constructeur automobile Toyota, de rejoindre Softbank au capital d’Uber en remettant 500 millions de dollars de cash dans la société, appâté par les progrès d’Uber en matière de voiture autonome.

D’après les observateurs, les plans d’introduction en Bourse d’Uber cogités de longue date ont été accélérés, mais aussi remaniés, après que son principal concurrent américain Lyft l’a devancé le mois dernier. D’abord lancée avec succès sur le Nasdaq le 29 mars sur la base d’une valorisation représentant plus de vingt fois ses pertes 2018 (900 millions de dollars) et un peu moins de dix fois son chiffre d’affaires, l’action a depuis dévissé et affiche un cours de 15% inférieur au cours initial. Des déboires qui expliquent pourquoi Uber aurait finalement opté pour la prudence.

Presque aussi bien que Facebook

Uber n’est d’ailleurs pas le seul à se préparer au grand saut boursier qui constitue le seul horizon possible pour les très grosses start-up et leurs investisseurs impatients de trouver une «exit». Le réseau social Pinterest (partage de photos) a annoncé lui aussi il y a deux jours sa prochaine entrée en Bourse où il cherche à lever 1,3 milliard de dollars. Autres sociétés dans les starting-blocks boursiers, la messagerie d’entreprise Slack qui a en commun avec les «licornes» précédemment citées de n’avoir jamais fait un euro de bénéfices, et Airbnb, très implanté sur le marché français.

Si elle atteint 100 milliards de dollars, la valorisation boursière initiale d’Uber se situerait juste en dessous de celle de Facebook, introduit à hauteur de 104 milliards de dollars en 2012, avant de dévisser lourdement. Mais on reste loin du record d’Alibaba, le numéro un chinois du e-commerce, introduit à 168 milliards de dollars en 2014.

Une question reste entière : comment Uber finira-t-il par gagner plus d'argent qu'il n'en dépense ? Depuis qu'il a pris les rênes de la société à l'été 2017 après la démission forcée de son fondateur et enfant terrible Travis Kalanick, le PDG d'origine iranienne Dara Khosrowshahi a surtout cherché à donner de la société une image plus sage et moins sulfureuse, en se séparant des activités les plus déficitaires. Mais cela ne l'a pas empêché de continuer à investir dans de nouvelles activités comme les livraisons de repas pour les restaurants, considéré comme potentiellement très rentable, ou encore les «mobilités douces urbaines» et le transport de marchandise longue distance. Uber a également récemment racheté son concurrent au Moyen-Orient Careem.

Gros profits en vue

Autre signe d'une diversification qui ne mollit pas, Uber lance ces jours-ci à Paris un service de location en libre-service de vélos (500 pour commencer) et trottinettes électriques (500 également) sous la marque «Jump». Uber précise au passage avoir signé la charte de bonne conduite de la mairie de Paris et s'est engagé à payer la contribution financière demandée par la municipalité afin de permettre le développement d'infrastructures dédiées.

Si l’on en croit Dara Khosrowshahi, le modèle d’Uber dont les principales forces résident dans une présence quasi-planétaire et une position de leader sur la plupart des lieux où il est implanté – à Paris, sa part de marché dans le VTC est estimée autour de 80% – ne tardera pas, comme Amazon en son temps, à générer d’importants bénéfices. L’important, a-t-il toujours expliqué, n’est pas d’arriver en Bourse en gagnant déjà de l’argent mais en ayant prouvé que les pertes se réduisent trimestre après trimestre tandis que le chiffre d’affaires continue de croître.