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Un drone sur Titan et un signal venu d'une galaxie lointaine, très lointaine...

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Dans l'actu scientifique cette semaine, la Nasa dévoile son projet de robot à hélices pour chercher la vie sur le gros satellite de Saturne, et des radiotélescopes australiens ont pu localiser la source d'un mystérieux «sursaut radio rapide».
Quelques antennes du réseau de radiotélescopes ASKAP, en Australie. (Photo Ant Schinckel, CSIRO, CC BY SA)
publié le 29 juin 2019 à 11h58

Les actualités scientifiques qui ont retenu notre attention cette semaine.

Dragonfly : un drone pour chercher la vie sur Titan

La Nasa classe ses missions d'exploration du système solaire en trois familles. Les plus ambitieuses (comme le rover Curiosity qui parcourt Mars) font partie du programme «Flagship». Le programme «Discovery» regroupe des missions modestes pour explorer «plus vite, mieux et moins cher» avec un budget maximum de 450 millions de dollars et un cycle de développement limité à trois ans pour garantir des lancements fréquents. Et entre les deux, le programme «New Frontiers» encadre les missions intermédiaires, plafonnées à un milliard de dollars. Trois missions sont déjà en opération (New Horizons qui a visité Pluton, Juno qui zone vers Jupiter et Osiris-Rex qui ramènera un échantillon d'astéroïde).

Titan photographié en infrarouge par la sonde Cassini en 2015. (Photo Nasa)

L'agence spatiale américaine a dévoilé cette semaine la prochaine et quatrième mission du genre : Dragonfly, un drone qui ira chercher des traces de vie sur Titan, le plus grand satellite de Saturne. Avec son atmosphère dense, ses lacs et ses dunes, Titan ressemble un peu à la Terre à un âge primitif, en beaucoup plus froid (la température moyenne y est de -179°C). L'astre pourrait fournir de précieux indices sur le développement de la vie grâce aux molécules organiques (contenant du carbone, de l'hydrogène, de l'azote et de l'oxygène) qu'on trouve dans ses cratères, à proximité d'eau liquide.

On aurait pu envoyer sur Titan un robot à roulettes comme sur Mars, mais l'équipe d'Elizabeth Turtle du laboratoire de physique appliquée à l'Université Johns Hopkins, dont le projet a été retenu par la Nasa, a préféré imaginer un gros moustique robotisé qui puisse se déplacer facilement de site d'observation en site d'observation avec ses huit hélices. Dragonfly devrait voler plus de 175 kilomètres au total, alimenté par un générateur nucléaire, comme Curiosity. Il décollera en 2026 et voyagera huit ans en direction de Titan, à 1,4 milliard de kilomètres d'ici.

La source d’un mystérieux «sursaut radio» localisée dans une galaxie

Ce sont des signaux qui voyagent dans l'espace et viennent parfois chatouiller les antennes de nos télescopes, dont on ne sait presque rien. Tout juste peut-on dire qu'il s'agit d'ondes radio et que le signal est extrêmement bref, de l'ordre de quelques millisecondes – d'où leur nom «sursauts radio rapides» (fast radio burst en anglais, ou FRB pour les intimes). On en a détecté 82 depuis la première découverte, en 2007, dans les enregistrements archivés d'un radiotélescope en Australie. Ils ne proviennent pas de la Voie lactée, car les ondes sont trop dispersées : la source est plus lointaine. Et les événements cosmiques qui les produisent doivent être très puissants, dégageant une énorme quantité d'énergie.

La galaxie d’où provient le sursaut radio rapide FRB 180924, identifiée en 2019, et ici photographiée par trois des plus grands télescopes optiques – Keck, Gemini South et le VLT. (Image CSIRO. Sam Moorfield)

Que peuvent-ils bien être ? Une fusion de trous noirs ? Ou d'étoiles à neutrons ? La navigation interstellaire d'un vaisseau extraterrestre ? Mystère et boule de gomme. Sur les 82 sursauts radio recensés à ce jour, les astronomes n'ont réussi à localiser leur source que deux fois. La première était en janvier 2017 : grâce à la collaboration de plusieurs observatoires, on a pu situer l'origine du signal FRB 121102 dans une petite galaxie faiblement lumineuse, à 3 milliards d'années-lumière. Mais la tâche était facilitée par le caractère répété du signal : on a pu surveiller cette petite portion du ciel jusqu'à restreindre la source.

Quelques antennes du réseau de radiotélescopes ASKAP, en Australie. (Photo Ant Schinckel, CSIRO, CC BY SA)

Et ce jeudi 27 juin 2019 marque un nouvel exploit : c'est donc la deuxième fois qu'on localise un sursaut radio rapide, et la première fois pour un signal unique, non répété. L'étude parue dans le magazine Science explique que la source du signal FRB 180924 a été triangulée, en quelque sorte : il a fallu mesurer l'imperceptible délai – de l'ordre du milliardième de seconde – entre les instants où le signal a frappé chacune des 36 antennes du réseau de radiotélescopes ASKAP en Australie. Les physiciens ont ainsi pu remonter son trajet jusqu'à une galaxie massive à 3,6 milliards d'années-lumière. La nature de cette galaxie est très différente de celle qui avait émis FRB 121102. Ce qui signifie… qu'on ne peut rien conclure. Il faudra de nouvelles observations pour commencer à trouver une logique dans l'émission des sursauts radio. Mais la localisation de cette semaine prouve qu'on progresse vite dans cet exercice.

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