Elle a cette formule : «J'avais honte d'être la mauvaise part d'une bonne histoire.» La «mauvaise part», la sienne donc, ressemble à beaucoup d'autres. Un père qui ne veut pas l'être et refuse d'abord de la reconnaître, quitte à prétendre qu'il est stérile. Une relation qui navigue entre rejet et accaparement, elle, assoiffée d'amour, lui, au mieux maladroit, au pire d'une dureté minérale. Des mots jamais trouvés, ou alors trop tard. Quant à la «bonne histoire», c'est celle, mondialement connue, d'une icône à col roulé de la Silicon Valley, visionnaire des usages de la «tech» et du marché qui va avec. Le père en question s'appelait Steve Jobs.
Brune, vive et menue, Lisa Brennan-Jobs, 41 ans, dit qu'elle n'a jamais eu d'iPhone. Elle a commencé à compiler et déplier ses souvenirs, et à interroger ceux avec qui elle a grandi, après la mort du fondateur d'Apple en octobre 2011. Avant ça, diplômée de littérature anglaise à Harvard, elle avait été analyste dans une banque, avait travaillé dans un studio de graphisme, publié quelques articles dans des magazines. Elle voulait être écrivaine. Comme sa tante Mona Simpson, la sœur biologique que Jobs, abandonné à la naissance et adopté, s'est découvert à l'âge adulte. De ce père encombrant et de tout le reste - l'enfance californienne baignée dans le bouillon de culture hippie, la mère artiste-peintre fantasque et dépressive qui remplit le frigo en faisant des ménages, les allers-retours entre la précarité d'u