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Libération
Éditorial

Résilience

publié le 16 juin 2020 à 20h46

Enième lamento sur la situation calamiteuse de la presse française ? Pas exactement : tout directeur de journal, au moment où une nouvelle épreuve s'abat sur le secteur, déclenchée par le coronavirus et le confinement subséquent, est contraint, nolens volens, de faire sienne la phrase de Ferdinand Foch avant la bataille de la Marne : «Mon centre cède, ma droite recule. La situation est excellente, j'attaque.» Cette nouvelle tempête, qui s'annonce douloureuse, notamment pour les salariés, surgit au moment où cette flottille secouée par les vagues avait enfin trouvé un cap. Déclin des ventes au numéro, recettes publicitaires amputées, système de distribution à bout de souffle : ces maux traditionnels ont été redoublés par la mise à l'arrêt de l'économie. Mais les journalistes et les autres salariés du secteur ont aussi fait la preuve d'une résilience remarquable. En dépit de toutes les difficultés et de tous les risques, les journaux ont poursuivi, amplifié même, leur travail d'information. Avec succès : rarement les lecteurs ont été aussi nombreux et attentifs à suivre l'actualité. Ainsi, au cœur de la crise, la stratégie adoptée par de nombreux titres s'est trouvée confirmée. Les achats en ligne, planche de salut pour les chiffres d'affaires en berne, ont soudain bondi à des hauteurs inédites. Libération, par exemple, a doublé le nombre de ses abonnés numériques, qui commençaient déjà à croître régulièrement. Le coup de tabac frappe donc, non un secteur en déclin, mais en pleine transformation. A côté de la précieuse diffusion papier, assurée par des kiosquiers courageux qui n'ont jamais cessé le travail pendant la crise, la diffusion numérique a pris son envol. Le gouvernement se porte au secours des secteurs en perdition. On comprendrait mal qu'il s'abstienne de le faire pour l'information, plus essentielle que jamais à la vie publique. Pour colmater en vain les voies d'eau ? Non : pour accompagner une mutation.