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Aménagements

Rennes, la ville «taille enfant»

La maire socialiste, Nathalie Appéré, a créé un poste d’adjointe chargée de la «ville à la taille d’enfant». Chargée de ce nouveau portefeuille, l’écolo Lucile Koch veut mener une politique urbaine volontariste.
Tractage à Rennes, le 5 mars. (Quentin VERNAULT/Photo Quentin Vernault pour Libération)
publié le 14 juillet 2020 à 11h18

Promouvoir des villes à taille humaine est un incontournable des campagnes électorales municipales. Mais il faudra aussi désormais compter avec le concept de villes à taille d’enfant. C’est en tout cas l’objectif que s’est fixé la majorité écolo-socialiste de Rennes en confiant une délégation entièrement dédiée à ce projet à Lucile Koch, toute nouvelle élue verte dont la présence – sa fille Léonie née il y a cinq semaines dans les bras – n’est pas passée inaperçue lors du premier conseil municipal. «J’ai été très marquée par les aires de jeux que j’ai pu connaître en Suède, en Autriche ou aux Etats-Unis durant mon enfance, confie cette mère de famille de 32 ans, qui a donné rendez-vous comme il se doit aux «Grands Gamins», un bar à la périphérie du centre historique. Comparé à ce qui existe dans les pays scandinaves ou en Allemagne, il y a beaucoup à faire dans ce domaine. Mais aussi en matière d’urbanisme pour faciliter le déplacement des poussettes ou dans l’accueil des enfants dans les musées ou les services publics.»

A titre d'exemple, la jeune femme pointe du doigt une malheureuse aire de jeux à quelques dizaines de mètres des «Grands Gamins», avec «deux pauvres toboggans» en métal et trois jouets sur ressorts sur une pelouse synthétique. «C'est triste, commente l'élue qui a vécu en Suède, enfant. A Copenhague, je me souviens d'une aire de jeu avec un petit ruisseau et des éléments avec lesquels les enfants pouvaient construire un pont, mais aussi avec des poules à nourrir, du fumier à transporter au jardin. Et tous les enfants participaient, se répartissant les tâches selon leurs capacités. Les Scandinaves ont coutume de dire que le jeu libre, c'est le travail des enfants. C'est en tout cas un excellent moyen de les préparer à devenir des citoyens qui s'écoutent, s'expriment et apprennent à s'entendre les uns avec les autres.»

Lucile Koch, intarissable sur le sujet, se désole de tant d'aires de jeux «aseptisées», où l'on cherche à gommer toute notion de risque alors que c'est indispensable pour «tester ses limites» et prendre la mesure d'éventuels dangers. Ou comment des aires de jeux plus ambitieuses, utilisant des matériaux et des décors naturels, sont autant de leviers pour stimuler l'imagination des tout petits mais aussi développer leurs capacités athlétiques. Dans le même esprit, elle souhaiterait équiper toutes les crèches de «salopettes étanches» pour que les enfants puissent sortir et se confronter aux éléments par tous les temps. Une des premières tâches que la jeune élue s'est fixée demeure cependant d'aller sonder les desiderata des premiers intéressés.

L’enjeu climatique et ludique des cours d’école

Son regard aiguisé sur l'environnement urbain a également répertorié tous les obstacles – escaliers, rainures destinées aux eaux pluviales, pavés rebondis – susceptibles d'entraver le cheminement des poussettes ou l'apprentissage du vélo. Autant d'inconvénients auxquels elle veut remédier en installant des rampes pour franchir une volée de marches ou en les gommant des prochains projets urbains : des pavés plus doux pourraient ainsi voir le jour dans le centre-ville. Autre axe majeur d'une politique en faveur de l'enfant : l'accueil dans les lieux publics. «J'aime beaucoup sortir avec mes enfants», relève celle qui a aussi un fils de trois ans. Pour inciter les parents à faire de même, elle imagine un logo et un site internet répertoriant les cafés et restaurants disposant de quelques chaises hautes ou de rehausseurs, d'une table à langer ou de pots avec des crayons de couleur pour dessiner. «Un enfant occupé est d'autant plus apte à ne pas déranger les autres», professe la jeune adjointe municipale, qui évoque aussi l'aménagement d'espaces de jeux dans les bibliothèques, au musée des Beaux-Arts, «avec de quoi reconstituer en live une œuvre d'art, voire des endroits spécifiques dans certains grands magasins, avec des petites toilettes, un micro-ondes, une chaise pour allaiter…».

Alors que la tendance hygiéniste dans les cours d’école serait plutôt au béton, Lucile Koch, elle-même professeur des écoles, prône également davantage d’espaces naturels en milieu scolaire. Autant pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique que pour offrir des îlots de fraîcheur par temps de canicule. Sans oublier tout le potentiel ludique d’un saule pleureur ou d’un simple arbuste. Pour l’heure, la jeune femme est surtout à la recherche d’interlocuteurs aussi concernés qu’elle par la place de l’enfant dans la ville. Bonne nouvelle : à Lille, ou à Grenoble et Lyon, désormais toutes deux dirigées par des maires écolos, c’est déjà le cas.