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Libération
Enquête

Clichés mitonnés.

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publié le 27 octobre 2003 à 1h34

Mickaël est content de sa caille. «Je l'aime bien, comme ça, de face, l'air un peu brute.» La bête dort, dorée à point, dans une assiette de grès noir égayée d'un mikado d'asperges vertes, de bacon en bataille et d'une volée de marrons émiettés. Emmanuel en avait fait rôtir trois, de volailles. L'une avait une tache de sang ; l'autre, un coup de feu ; celle-là seule a été retenue pour trôner sur la grande table couverte de feutrine cramoisie. Mickaël a encore passé un bon quart d'heure avec elle en un tête-à-tête tendu, pince à épiler à la main, rectifiant une pointe d'asperge, redressant un os, ordonnant une miette, lissant un reflet comme on bichonne une starlette.

Et c'en est une, cette petite caille qui a passé le casting des cailles. Si elle offre ses cuisses rebondies à la lumière des réflecteurs, dans un loft de 250 mètres carrés aux placards gorgés de vaisselles, couverts, verres, c'est pour être, en fin de compte, mangée des yeux sur papier glacé. Emmanuel Turiot, 33 ans, est styliste ; Mickaël Roulier, 38 ans, est photographe ; le loft est son studio et la cuisine leur spécialité. L'un met les mets en assiette, l'autre en images. Ils font la Lettre de Picard (les surgelés), s'affichent dans des livres de recettes avec Lenôtre et ses madeleines, Frédérique Hermé et ses spaghettis au bleu (de méthylène), sans négliger les cuistots sans toque. Ils vivent, copieusement, de la «photo culinaire», un art en pleine ébullition qui a changé, en moins de dix ans, la face du se