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Libération
Enquête

Au secours des forçats de la terre

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Libération a suivi un commando de policiers chargé de libérer les esclaves dans l'Etat du Mato Grosso, au Brésil.
publié le 22 décembre 2003 à 2h26

Etat du Mato Grosso envoyée spéciale

De peur, l'homme a pissé dans son jean. Au volant de sa moto, il s'est retrouvé nez à nez avec le 4x4 de la police fédérale. Sanglés dans leurs gilets pare-balles, quatre policiers sautent à terre, mitraillette au poing. Ils empoignent l'homme : «Dédé, c'est toi ?» L'intéressé hoche la tête, penaud. «C'est donc toi qui maltraites les travailleurs !» Dédé est plaqué contre le véhicule, menotté, fouillé au corps.

Dédé est un «gato». C'est lui qui recrute les ouvriers de la «fazenda» Esteio, une des exploitations perdues dans l'Amazonie brésilienne, au nord du Mato Grosso. Les policiers qui l'interpellent ouvrent le convoi des inspecteurs du ministère du Travail. Ceux-ci se chargent de «libérer» les ouvriers des propriétés dont les exploitants ont été dénoncés pour «travail forcé». Mais ce jour-là, une fuite complique leur raid. La radio locale a annoncé l'arrivée imminente du commando fédéral. Une partie de la main-d'oeuvre a été retirée de la fazenda, et soudoyée pour se taire. L'équipe d'inspecteurs, menée par une femme de 58 ans, Valderez Monte Rodrigues, libère quand même trente-trois esclaves, ou, selon la législation brésilienne, «réduits à une condition analogue à l'esclavage».

Corruption des pouvoirs locaux

Suivant l'Organisation internationale du travail (OIT), qui se prépare à publier un rapport impressionnant, le «travail forcé» ­ c'est-à-dire l'obligation faite à un individu de travailler, sans rémunération ou presque, par l'usage d