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Enquête

Opération rabibochage

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Après la crise irakienne, la francophobie fait recette aux Etats-Unis. Au cinéma, les méchants sont désormais français. Pour contrer la vague, la France a recruté un lobbyiste et suscité un groupe d'amitié franco-américaine au Capitole.
publié le 23 décembre 2003 à 2h26

Washington de notre correspondant

Master and Commander, de Peter Weir, est un beau film épique, l'histoire d'une course-poursuite entre deux navires, à l'aube du XIXe siècle (1). Parlant de patriotisme et d'honneur, il a enchanté tous les conservateurs américains, surtout ceux qui ont une dent contre la France. Le Surprise, que l'on suit le long des côtes brésiliennes, est un fameux trois-mâts anglais, dont le capitaine est le non moins fameux Russell Crowe. Dans le roman de Patrick O'Brian dont est inspiré le film, le vaisseau ennemi était le Norfolk, un navire américain ; mais dans la version hollywoodienne, il a changé de nationalité : c'est l'Acheron, une frégate française. Dans le Washington Post, le chroniqueur ultraréac Charles Krauthammer ne cache pas sa «satisfaction de voir des boulets de canons cribler les tricolores». Son passage favori du film, écrit-il, c'est quand le capitaine joué par Crowe motive ses troupes : «Voulez-vous que vos enfants grandissent en chantant "la Marseillaise" ?»

Personnages bouffis d'arrogance

Visiblement, la vague de francophobie, qui s'est développée aux Etats-Unis tout au long de l'année 2002 pour culminer au printemps 2003, n'est pas encore passée (2). Preuve qu'elle s'enracine dans la culture populaire, Hollywood ­ qui pourtant militait contre la guerre en Irak ­ n'hésite pas à surfer dessus. Le nouveau méchant du cinéma américain n'est plus allemand ou russe (ou serbe) : il est français. Matrix Reloaded, tourné avant la vague du Frenc