Il est 22 h 30 ce 29 janvier 1990 lorsque retentit le signal tant attendu. «Salmon !» Le mot de code annonçant que la voie est libre parcourt les 60 mètres de tunnel où sont couchés, l'un derrière l'autre, vingt-quatre hommes âgés d'une vingtaine d'années. Un à un, ils s'extirpent du trou, se débarrassent de leurs habits souillés et commencent à courir, par petits groupes et à petites foulées. Au coin de la rue, un bus, un colectivo comme il y en a tant dans la capitale chilienne, les attend. Ils montent, regardent s'éloigner l'ombre de la sinistre prison publique de Santiago où la dictature a, en 1987, regroupé les prisonniers politiques.
Enfin libres ! Les dix-huit mois passés à creuser un tunnel à l'insu des gardiens sont enfin récompensés. Ils apprendront le lendemain que vingt-cinq autres prisonniers les ont suivis. En tout, cette nuit-là, 49 détenus politiques se sont échappés de la prison. Sans tirer un coup de feu. Quinze ans après, la majorité des acteurs de cette spectaculaire évasion n'en a pas terminé avec la justice chilienne qui les considère encore comme des fugitifs. Certains vivent clandestinement au Chili. D'autres connaissent un exil sans fin dans les pays qui les ont accueillis à l'époque comme réfugiés politiques.
Quinze ans d'exil
En France, ils sont encore une dizaine. Et à l'heure où les Chiliens commencent enfin à régler leurs comptes avec la dictature, ils rêvent de pouvoir rentrer chez eux. «La dictature a duré dix-sept ans. Pour l'avoir combattue, j'