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Libération

Faux rejeton

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Frédéric Bourdin, 31 ans, excelle dans l'art d'usurper ou de s'inventer des identités d'adolescents: en quinze ans, il a été successivement enfant disparu texan ou grenoblois, orphelin espagnol, fugueur traumatisé ou «réfugié bosniaque» en Sicile. «Le Caméléon» vient d'être condamné en France à vingt mois de prison avec sursis.
publié le 19 septembre 2005 à 3h44
(mis à jour le 19 septembre 2005 à 3h44)

Il résume ses exploits d'une phrase toute simple. «Je peux sans problème devenir qui je veux.» Depuis quinze ans, Frédéric Bourdin, 31 ans, passe son temps à redevenir un enfant. Il prend l'identité et l'apparence d'un adolescent disparu ou d'un orphelin, pour se faire placer dans des foyers, des familles, qui s'occuperont de lui. Cela lui a valu un surnom: «le Caméléon». Et pas mal d'ennuis avec la justice. La semaine dernière, il était jugé à Grenoble puis à Pau pour de récentes usurpations. Il s'en tire sans retourner en prison, mais sa longue carrière, ponctuée d'après lui de «176 placements en foyer», lui a déjà valu jusqu'à six ans de prison, aux Etats-Unis.

C'était en 1997. Frédéric Bourdin, qui voyage beaucoup et parle couramment plusieurs langues, se trouvait en Espagne. En surfant sur un site Internet, il découvre l'histoire de Nicholas Barclay, gamin de 14 ans disparu trois ans plus tôt au Texas. Il décide d'être Nicholas, commence par se teindre en blond et s'épile intégralement. Puis, il contacte le consulat des Etats-Unis en Espagne, raconte qu'il a été enlevé et traité en esclave sexuel durant trois ans. La famille de Nicholas Barclay le fait rapatrier à San Antonio. La mère, aveuglée, lui donne du «Icky Nicky», surnom de l'enfant disparu. Elle se ravit de le voir s'accroupir sur ses talons pour regarder la télévision, un détail que Bourdin a glané sur le Net. Le reste de la famille ne dit mot, alors que le revenant n'a pas la même couleur d'yeux que le disparu