Personne n'a relevé la mort de Robert Lachenay, le 11 novembre, à 74 ans. La vie d'un inconnu s'est achevée comme elle s'est déroulée, dans l'anonymat. Avec lui s'efface pourtant le nom d'un critique de cinéma célèbre des années 50. Et disparaît un personnage de films. Pas un acteur, non, un personnage : un certain Lachenay qui hante la Peau douce avec son visage triste, et inspire directement le René Bigey des Quatre Cents Coups, l'inséparable ami d'Antoine Doinel. A chaque reprise, derrière ces Lachenay, le critique et le personnage, on retrouve le même homme, qui les fait advenir et s'en inspire : François Truffaut. Robert Lachenay fut ainsi le pseudonyme préféré de Truffaut quand il écrivait ses textes les plus virulents des Cahiers du cinéma, comme il fut le modèle de Jean Desailly dans la Peau douce, et de Jean-Pierre Léaud-Antoine Doinel, un des personnages les plus célèbres du cinéma mondial.
Le vrai Robert Lachenay, quant à lui, fut pour François Truffaut le copain d'une vie. Un copain bien réel quarante ans durant, de la petite adolescence à l'agonie : «On s'était mis ensemble pour résister aux adultes...», dira le cinéaste, partageant à deux les galères et les joies, les misères et les amours, les lectures et les films. Mais aussi un copain d'imaginaire, celui qui fait embrayer la fiction, fait naître des personnages, des anecdotes, des attitudes. Celui qui porte la part d'enfance et les souvenirs de la vie commune, susceptibles de nourrir le roman amical et sentim