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Libération

De l'épate à papier

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Exemplaires numérotés imprimés sur du papier de luxe, les éditions originales se font de plus en plus rares. Mais elles alimentent encore un marché confidentiel de bibliophiles et de spéculateurs.
publié le 16 décembre 2005 à 4h59

D'abord, ces mystères : pourquoi, le 17 novembre, vingt personnes se sont-elles rendues à la librairie Gallimard, boulevard Raspail, pour acheter un livre de François Weyergans (Salomé, éd. Léo Scheer) au prix de 300 euros l'exemplaire, alors que n'importe où ailleurs ce bouquin coûte 19 euros ? Comment se fait-il que la librairie Nicaise sur le boulevard Saint-Germain, établissement pourtant honorablement connu, se soit mise à vendre le dernier Houellebecq comme des petits pains, à 150 euros l'unité ? Et puis,aussi, pourquoi voit-on au début de certains livres des avertissements du type : «Il a été tiré de cet ouvrage trente exemplaires sur vélin d'Arches numérotés de 1 à 30, plus sept hors commerce numérotés de I à VII» ? Enfin, pourquoi ces mentions tendent-elles aujourd'hui à disparaître ?

Pour le lecteur pressé, une réponse courte à toutes ces questions : parce que nous avons passionnément aimé les livres, et que nous les aimons moins. Parce que certains les aiment encore beaucoup.

Cette histoire commence en l'an 105 lorsque, dit la légende, le Chinois Cai Lun invente le papier. Elle se poursuit au galop avec Gutenberg, puis avec les premiers bibliophiles, lesquels raffolent des livres de grands formats dotés de grandes et belles marges : ce que l'on appelle alors (et encore) des éditions «grand papier». Apparaît par la suite le «tirage de tête» : ce sont les tout premiers exemplaires d'un livre ­ les meilleurs car les plombs d'imprimerie ne sont pas encore usés ­ que l'o