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Du Rossia, Moscou fait table rase

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L'hôtel avec vue sur le Kremlin va être détruit. Du régime soviétique à sa reprise en main par des hommes d'affaires tchétchènes, son histoire est aussi celle de la Russie.
publié le 15 février 2006 à 20h20

Moscou de notre correspondante

Jusqu'au dernier souffle, la grande maison «Russie» (Rossia) cultive son mystère : devant les ascenseurs, un garde, style molosse en costume gris, interpelle notre guide. «Surtout, vous n'allez pas tout montrer, n'est-ce pas ? Vous ne montrez pas la chose, hein ?» Aïda, notre accompagnatrice, répond sur le même ton, conspirateur : «Evidemment. De toute façon, la chose a déjà été retirée.» Le malabar bat en retraite, à moitié rassuré : «Parce qu'il y a des secrets qui doivent rester secrets...»

L'immense Rossia, plus grand hôtel au monde lors de sa construction en 1967, n'est plus aujourd'hui qu'une carcasse, fermé au public depuis le 1er janvier, en train d'être dépouillé de ses lits, lampes et lavabos, en attendant sa prochaine démolition. A bas le colosse qui bouchait la vue sur le Kremlin et ne rapportait qu'une fraction de ce qu'un immeuble peut dégager aujourd'hui au centre de Moscou. Voilà ce qu'a décidé le maire, Iouri Loujkov. Mais, jusque dans l'agonie, la maison «Russie» aime encore faire son importante. La «chose» ­ peut-être un puissant système d'écoute qui permettait d'épier les hôtes du Rossia jusque dans leur sommeil, ou peut-être rien qu'une blague pour perpétuer les fantasmes ­ ne sera pas dévoilée.

Piscine, sauna et cellule de dégrisement

Erigé juste au bord de la place Rouge, avec vue somptueuse sur le Kremlin, le Rossia était une caricature de l'hôtel soviétique, si ce n'est de toute la Russie elle-même. Trois mille chambres emp