Californie envoyé spécial
Bob Costa déteste le gazon. «Il faut l'arroser, puis il faut le couper. Après, il faut l'arroser pour qu'il repousse.» Implacable, le gazon. Un beau jour, Bob, veuf septuagénaire, en a eu assez. Assez de la dictature de la photosynthèse. Assez des taxes foncières, aussi. La retraite arrivée, ce Californien barbu a vendu sa maison «et tout ce qu'il y avait dedans», a acheté un énorme motor-home et a pris la route. Pour toujours, avec un alibi : «J'ai 76 ans et je ne vais pas vivre trois cents ans de plus.» Trois ans plus tard, le voici au soleil couchant, sirotant un thé devant son RV (recreational vehicle, terme américain pour «gros camping-car») garé en plein désert, à 150 km au sud-est de Palm Springs, Californie. Au milieu de nulle part, mais pas n'importe où : il a jeté l'ancre pour l'hiver à Slab City. De la rocaille, de maigres buissons, des camping-cars de loin en loin. Et ni eau ni électricité sur cette base militaire désaffectée en 1946 dont ne subsistent que de rares slabs (blocs) de ciment mais où l'on peut camper gratuitement aussi longtemps qu'on le souhaite : le terrain appartient à l'Etat, qui a d'autres soucis que ces 259 hectares de vide qui rôtissent au soleil. Le bonheur, si on veut, dans une région que le National Geographic qualifie de «carrément bizarre», sur les rives de la Salton Sea, une mer interne née d'un accident géologique en 1906 et qui n'en finit pas de mourir depuis. Délicat cocktail d'eau polluée et de motels abandon