Buenos Aires de notre correspondant
La bruine s'installe et José Barrera bat le rappel de sa petite troupe. Il faut se dépêcher de plier les cartons pour les empiler dans d'immenses sacs en plastique renforcé, utilisés normalement pour transporter le sable sur les chantiers. La vieille remorque à claies n'est qu'à moitié remplie. Journaux, revues, emballages en cours de tri jonchent la chaussée. La même voiture de police passe deux fois, lentement, en moins d'un quart d'heure. Cette nuit, sa femme, un cousin, et trois de ses enfants accompagnent José. Mécaniquement, les deux gamins sautent à pieds joints sur les bouteilles en plastique pour en réduire le volume. La fillette joue à la balle dans cette rue sombre et déserte d'Almagro, un quartier traditionnel de Buenos Aires. «S'il pleut, c'est foutu. Le carton mouillé, on ne nous l'achète pas», grommelle le cartonero en accélérant le bourrage des sacs. Vers minuit, d'un nuage de fumée noire, émerge une vieille camionnette surchargée et sans éclairage. Avec l'aide de sa femme, il y accroche la remorque, empoigne sa fille et grimpe dans la benne. Direction, un entrepôt de stockage en banlieue.
Une cinquantaine de familles de recycleurs ont monté une coopérative dans un hangar laissé à l'abandon par son propriétaire, une banque. «On achète à 30 pesos, on entrepose et on revend 40 pesos le kilo à des intermédiaires qui ont les machines pour presser le papier. Eux vendent ensuite aux transporteurs. Les papeteries ac