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Libération

L'île aux esclaves

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Des centaines de milliers d'Haïtiens sont contraints de franchir la frontière pour travailler en République dominicaine. Parqués dans des plantations, ils vivent privés d'eau, d'électricité, de latrines, d'école et de soins. Une enquête en photos de Céline Anaya Gautier.
publié le 10 mai 2007 à 7h41

C'est une seule île, Hispaniola, mais deux pays, deux univers différents, en pleine mer des Caraïbes. Haïti et la République dominicaine. Pays pauvre parmi les plus pauvres de la planète, Haïti pousse ses habitants à l'exil, sans doute entre 10 % et 15 % de la population. Entre 500 000 et un million de Haïtiens vivraient, clandestins ou non, en République dominicaine, qui, à côté, fait presque figure d'eldorado. Pour une seule saison ou pour la vie, ils partent travailler dans les champs dominicains, pour 1 ou 2 euros par jour, plus qu'ils ne peuvent espérer en gagner dans leur pays dévasté par des années de crise économique et politique ­ le rapport entre le revenu moyen d'un Haïtien et celui d'un Dominicain et de 1 à 7.

A ces prix-là, les travailleurs migrants haïtiens sont devenus des «esclaves contemporains», selon le titre de l'ouvrage de la photographe Céline Anaya Gautier (1). Après avoir traversé la frontière, la plupart du temps clandestinement, ils se retrouvent dans des bateys, baraquements de fortune pour les journaliers des grandes entreprises sucrières. Ils y sont «taillables et corvéables à merci, sans aucun droit, aucun soutien, aucun avenir, dans des conditions de vie et d'hygiène désastreuses», écrit dans ce livre Geneviève Sevrin, présidente d'Amnesty International France.

Le livre de Céline Anaya Gautier se veut un cri d'alerte sur cet «esclavage moderne» (2). La jeune femme a réalisé deux séjours de plusieurs mois, au tot