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Libération
Enquête

Un aller sans retour

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Clandestine depuis deux ans, Liu Chunlan s'est défenestrée, à Paris, le 20 septembre, par peur de la police. Cette ouvrière chinoise au chômage s'était exilée pour payer le mariage de son fils, resté avec son père à Fushun.
publié le 18 octobre 2007 à 0h51

A Fushun, sa ville natale de l'ancienne Mandchourie, on a oublié Liu Chunlan. Les voisins s'interrogent, le front levé vers le balcon délabré du dernier étage : «Elle est partie à l'étranger, non ?» Liu Chunlan a habité cette cité ouvrière pendant plus de vingt-cinq ans, jusqu'au jour de son départ à Paris, en 2004. Son fils et son mari y vivent toujours. Eux seuls savent qu'elle est morte. Un employé du gouvernement local est venu leur annoncer brutalement la nouvelle le 26 septembre, six jours après la chute fatale sur le trottoir du boulevard de la Villette. Depuis, plus de nouvelles. Il y a eu les vacances nationales, puis le congrès du Parti communiste à Pékin. «On vous rappellera», font dire les fonctionnaires. La presse chinoise n'a pas dit un mot sur Liu Chunlan. La mort d'une clandestine n'est pas un exemple.

Zhang Yuxiao est son fils unique : 27 ans, fluet, une dégaine adolescente démentie par son regard, presque éteint. Depuis deux semaines, il ne peut plus dormir ni manger, hanté par la tristesse, les remords et la seule explication qu'il trouve au drame : «Elle est partie parce qu'il fallait de l'argent pour mon mariage.» Son père écrase ses cigarettes à moitié fumées dans une canette de bière et fait les honneurs de son petit appartement éclairé par un néon, une pièce cuisine encombrée où aucun balai n'est passé depuis longtemps. Ils veulent parler d'elle. Zhang Bailiang fouille un tiroir, sort d'un vieil album de photos l'unique et m