Vous prenez l'air perdu, traînez une grosse valise, n'allez pas directement vers la queue des taxis officiels. Rapidement, ça mord. Un homme va s'approcher et proposer une course. Un homme comme Pavel. La trentaine, habillé sans ostentation mais proprement, un bon sourire sous une grosse moustache brune. A cette heure, il officie gare de Lyon, à Paris. Aux aguets, il regarde, s'avance. «Un taxi, madame ?» La victime est une petite femme, trimbalant un gros sac rose vif. Elle le regarde, sans paraître comprendre. Il essaie en anglais. «Taxi, miss ?» Elle secoue la tête. Non. Il n'insiste pas, repère quelqu'un d'autre. Nouvel échec. Le troisième sera le bon. Après un rapide coup d'oeil pour débusquer le flic à l'affût ou le chauffeur officiel qui tenterait de lui barrer le chemin, il conduit la dame vers sa voiture. «Cinquante euros pour aller n'importe où dans Paris ?» Elle dit oui. Il l'installe, gentiment. C'est parti. Une course ordinaire coûterait 15 euros.
Tous les matins, Pavel fait le taxi, avec une vieille Peugeot retapée par ses soins. Il n'en a pas le droit, et il le sait. «De toute façon, je n'ai pas de papiers. Donc je n'ai le droit de rien faire. Alors.». Il est arrivé de Varsovie en France il y a trois ans. Au début, il a zoné. «Pendant six mois, j'ai travaillé au noir sur des chantiers. Je dormais à Bercy sous une tente de Médecins du monde. A force, je suis allé voir gare de Lyon, et j'ai repéré les faux taxis. Un ami m'a p