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Libération
Reportage

Ouïgoursoubliés

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Sans bruit, la culture de la minorité musulmane du Xinjiang cède le pas face à la colonisation chinoise. Comme les Tibétains, les Ouïgours sont condamnés à l'assimilation ou à la répression.
publié le 5 juin 2008 à 3h45

Le prospectus promet une émotion inoubliable. «Venez rencontrer le dernier roi de Chine dans son authentique palais», et «danser avec de belles filles ouïgours». En 2004, le gouvernement a investi 13 millions de yuans dans cette «attraction touristique nationale» classée triple A. Le ticket d'entrée à 50 yuans comprend la visite d'une mosquée miniature, une promenade entre des parterres de fleurs bétonnés et une exposition historique sur la libération du Xinjiang par les communistes en 1949. Une entrevue avec le roi coûte 200 yuans. «Quand ?»«Tout de suite», répond l'employée chinoise du guichet. Dans les jardins déserts, un carrosse de carnaval prend la poussière. Des femmes, yeux clairs et foulard traditionnel, passent le balai.

«Des Indiens d'Amérique»

Dix minutes plus tard, apparaît Daoud Mehsout, 81 ans, houspillé par deux jeunes Chinoises impatientes. Digne et droit, mais les jambes raides. Chacune à un bras, les filles en uniforme le posent sur un fauteuil : «Vous pouvez prendre des photos.» Le vieil homme rétablit l'équilibre de son calot brodé et prend la pose, le regard noyé. «Je suis l'héritier de la douzième génération des rois de Kuqa, le dernier vestige de la société féodale.» Daoud Mehsout, roi sans royaume, touche un petit pourcentage sur les visites. Le plus souvent, les touristes ne posent pas de questions. «Pauvre roi. et pauvres Ouïgours», répète, navré, un jeune professeur d'Urumqi, la capitale du Xinjiang. Les Chinois