«La mairie informe que ce soir, à 19 heures, sera projeté le film de notre compatriote José Maria Gordillo, le Mur des oubliés. Ne ratez pas le rendez-vous !» ont annoncé les haut-parleurs fixés au clocher de l'église. A Valle de Abdalajis, jolie bourgade de 2 900 habitants près de Malaga, il n'y a pas eu cinéma depuis des lustres. Et à l'heure dite, la salle est comble. «Ce film parle du village, de notre passé, de notre mémoire douloureuse. Soixante-dix ans après, il répare une injustice», introduit le maire, solennel. Pendant la projection, le silence n'est interrompu que par des sanglots étouffés. Au générique de fin, la plupart s'en vont sans mot dire, chavirés par l'émotion, après une étreinte furtive au réalisateur. D'autres tiennent à faire durer cet instant. Telle Pepa, la quarantaine, dont un oncle a été exécuté par les franquistes en 1940, peu après la guerre civile : «Quel moment pour moi ! Il y a une blessure indélébile, celle de la perte. Mais celle de l'oubli a été guérie.» Durant le week-end, deux autres projections prolongeront la catharsis, avec 350 entrées au total. Pas un seul spectateur de droite. Cette droite qui n'a toujours pas coupé le cordon ombilical avec le franquisme.
Emporté à dos de mule
«Quand le film est projeté en France, c'est une fenêtre. Ici, bien mieux encore, c'est un miroir», dit le réalisateur, ému (1). Pour les gens du village où, enfant, il passait ses vacances d'été, il est «José Maria». Mais Joseph Gordil