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Libération

Prises de vie

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publié le 10 septembre 2008 à 4h57

La liberté, le risque, la gloire, celle d'être la première femme à remporter le prix World Press en 1977, l'argent claqué au vent de la vie, la beauté aussi, puis l'usure, la maladie, le corps qu'un médecin va lui casser, et pour finir, la quasi-misère : la trajectoire de la photoreporter Françoise Demulder, qui vient de mourir à 61 ans d'une crise cardiaque (Libération du 5 septembre) fut celle d'une grande, d'une extraordinaire saltimbanque.

A la voir dépaysée, dans sa beauté longiligne, sur le tarmac de Saïgon, lorsqu'elle y débarque au début des années 70, qui peut imaginer qu'elle sera bientôt dans la fournaise, sillonnant le pays à moto, courant les combats, à la recherche de clichés qui lui sont payés royalement 20 dollars. Elle était venue au Vietnam suivre son compagnon d'alors, le photographe et cinéaste Yves Billy. Le monde de la photo, elle le connaissait comme mannequin. «Elle avait plutôt sa place de l'autre côté de l'objectif. C'est la rencontre avec le Vietnam qui l'a fait devenir photographe», raconte Billy. A l'époque, si on a du courage, c'est facile. Il faut un appareil et aller à l'agence de presse américaine AP, où l'on donne des pellicules. On passe en reprendre et montrer ses clichés.

Mais Demulder n'est pas un oiseau de passage. Beaucoup de photoreporters partent dans la foulée du retrait américain du Vietnam. Pas elle. Alors que Saïgon tombe aux mains du Vietcong, le 30 avril 1975, elle est l'un des neuf journalistes aux marches