La discographie de Claude Vivier (1948-1983) est scandaleusement réduite. Sa disparition prématurée (et pasolinienne) laisse son oeuvre à jamais privée des développements dont elle était à l'évidence riche. De plus, elle appartient à un modernisme impénitent, désormais frappé de purgatoire. C'est pourquoi, le cercle étroit mais fervent de ses admirateurs se précipitera sur ce disque qui recueille l'essentiel de sa production pianistique.
Formé,par son compatriote québécois Gilles Tremblay, au sérialisme boulézien, Vivier a vingt-deux ans quand il écrit Désintégration (pour deux pianos). Comme le titre le laisse entendre, cette pièce est d'une grande violence qui éclate dans les premiers clusters lourdement assénés et se poursuit dans une sorte de disparition matérielle jusqu'à un final désertique. Cette démarche est trop schématique pour être tout à fait convaincante. Trois ans plus tard, après avoir croisé l'enseignement de Paul Méfano et celui de Stockhausen, Vivier écrit un «morceau de concours» pour piano. De facture très libre, Pianoforte prend autant de plaisir à jouer avec les timbres du clavier que Désintégration mettait d'ardeur à les passer à la moulinette. Shiraz, enfin, de 1977, est l'oeuvre la plus aboutie. Sa structure répétitive s'éloigne de tout minimalisme, et si les marques d'agressivité abondent, celle-ci est tenue en bride. Mais son discours, volontairement très haché, finit par traduire (et produire) un malaise que la table rase de Désintégration n'év