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Libération
Critique

Qu'y a-t-il à l'intérieur d'un oeuf ?

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publié le 27 septembre 2000 à 4h47

Le petit avait gagné. D'avoir été plus gentil, ou plus malin, il s'était retrouvé avec quelques francs à dépenser. L'autre, le grand, n'avait évidemment rien. A quoi allait-il dépenser ses 10 ou 12 francs ? Pas assez pour s'acheter un oeuf Kinder, ce loukoum new age en graisse de phoque qu'ils avalaient rituellement sans vrai plaisir, comme on gobe une fourmi blanche.

Ce qu'ils aimaient, c'était bien sûr l'imprévu. Qu'est-ce qu'il pouvait bien y avoir dans cet oeuf ? (Trenet : «Une noix, une noix/ Qu'est-ce qu'on y voit/ Quand elle est fermée ?») Devant la mine effarée du grand, le petit était rose de plaisir. Pas assez riche pour s'offrir un Kinder, la Rolls des surprises (1),

il s'était acheté un truc local en plastique, que l'épicier lui avait refilé, une Kenzy, bricolée par Biscolux dans un coin paumé (2). Ils étaient trop petits pour avoir connu les vraies surprises de grand-père, ces merveilleux cônes de papier qu'on trouvait seulement chez le boulanger du coin.

Eux, c'étaient les Kinder. Ils auraient tué père et mère pour une de ces bestioles à assembler, vague imitation de Playmobil à faire rêver les pauvres du monde entier.

Le petit ouvre la Kenzy. Stupéfaction. Une balle, une pauvre balle en plastique. Bon, un plastique de qualité, mais là, franchement, Biscolux se foutait de la gueule du monde. Même le grand frère rigolait. Il se moquait ouvertement du petit couillonnot dépité. Quelques minutes plus tard, Félix le chat s'empara de la balle et ils oublièrent l'incident