Plus réputée pour sa plastique (et, accessoirement, sa façon inégalable de coiffer le pork pie hat de Lester Young réactualisé western spaghetti) que pour la justesse de sa voix, Abbey Lincoln, alias Anna Maria Wooldridge à l'époque où elle figurait, aux côtés d'Eddie Cochran et Gene Vincent, au générique trépidant de la Blonde et moi, n'avait jusqu'à présent trouvé grâce à nos oreilles que sur un seul enregistrement: Painted Lady, gravé, au début des années 80, en compagnie du saxophoniste Archie Shepp. Certainement ce que celui-ci a fait de mieux en matière d'association avec une chanteuse depuis l'extraordinaire Blasé, résultat d'une collaboration antérieure avec Jeanne Lee. Et puis voici qu'après avoir plus ou moins laissé entendre qu'elle envisageait de raccrocher (au point d'annuler ses contrats de l'été), l'ex-épouse de Max Roach publie un énième CD sur Verve, label qu'elle fréquente assidûment depuis une bonne dizaine d'années. Quelle aubaine pour le critique enjoué, aussitôt paré à parsemer une chronique au vitriol, déjà toute rédigée, de quelques formules désopilantes («faux et usage de faux», «swing potager», etc.), histoire d'amuser la galerie à peu de frais. Et puis, patatras, dès les premières mesures de When The Lights Go Again, introduction de ce nouvel opus rehaussé par le ténor bougon de Joe Lovano, c'est le choc. Avec commotion épidermique. Car, qu'on le veuille ou non (si l'on prétend qu'il est difficile de brûler ce que l'on a adoré, imagine-t-on à quel
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