A Buenos Aires, en 1929, sept conspirateurs imaginent une société secrète révolutionnaire, financée par les bénéfices d'un réseau de maisons closes. L'univers littéraire de Roberto Arlt, familier des bas-fonds et amateur de sciences occultes, fonctionne comme un piège pour le lecteur. On s'enfonce dans ce qui ressemble à un roman réaliste et l'on se rend compte, soudain, que le sol s'est dérobé sous les pieds, et que l'on est au coeur d'un cauchemar ou d'un rêve burlesque, avec des personnages monstrueux sous leur masque de banalité. Le très beau spectacle du metteur en scène argentin Ricardo Bartís, déjà présenté au festival d'Avignon (Libération du 10/07/99), est moins une adaptation des deux principaux romans d'Arlt qu'une plongée dans leur univers. El pecado que no se puede nombrar possède la fluidité des songes; d'ailleurs, c'est moins dans une salle de spectacle que l'on s'installe, que dans une chambre où les personnages, qui sont aussi musiciens, ressemblent à des dormeurs éveillés. Trompeuse douceur: Arlt, grand lecteur de Dostoïevski, savait tout du mensonge, du cynisme, de la lâcheté et des illusions perdues de ses contemporains. Entre Roberto Arlt et Ricardo Bartís, survivant des années de dictature militaire et homme en colère, la connivence
est autant littéraire que politique.
MC 93 de Bobigny (93). «El pecado que no se puede nombrar» («Le péché qu'on ne peut pas nommer»), spectacle en espagnol surtitré en français d'après Roberto Arlt, m.s. de Ricardo Bartís. Du