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Libération
Critique

Cérémonie secrète

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Théâtre Oeuvre de jeunesse reniée par Koltès.
publié le 17 novembre 2000 à 6h39
(mis à jour le 17 novembre 2000 à 6h39)

Première commande d'un élève prodige du TNS, Sallinger, de Bernard-Marie Koltès, fut vite reniée par son auteur qui jugeait cet hommage au père de l'Attrape-coeur (J. D. Salinger) trop composite et confus. Il contient pourtant, dans le désordre, la totalité d'un monde d'autant plus énigmatique qu'il se dévoile dans un phrasé d'une parfaite limpidité. Une syntaxe unique où rôdent les spectres familiers sur lesquels le poète, emporté par le sida en 1989, ne cessera de revenir jusqu'à son ultime Roberto Zucco.

Sallinger débute dans un cimetière, s'achève sur un champ de bataille. L'intrigue scrute tous les replis et fulgurances de la solitude, où les seules rencontres s'en tiennent à la friction des corps, en tourbillonnant autour d'un thème simple. On plonge dans les entrailles d'une famille dévastée par la perte d'un fils, «le rouquin, très beau et très insupportable», suicidé en Corée, et dont le fantôme vient hanter les vivants. Quels vivants ? Une veuve aux lèvres trop rouges, un frère comédien raté, une mère au «regard dramatique et grand tablier»et un père à «chapeau, sourire et verre de whisky à la main». Y ajouter quelques confidents et à charge pour le public de faire office de choeur pour cette fresque intemporelle où bourdonnent au présent la guerre et la haine de l'Amérique. Pour rendre poreuse la frontière entre vivants et mort, Jean-Christophe Saïs, qui signe ici sa première mise en scène, a conçu un dispositif double. Au fond, sur toute la largeur du plateau, tam