Trois ans après une Waldstein d'une incontestable beauté sonore, mais qui pouvait laisser le fan sur sa faim, Pollini publie un nouveau disque Beethoven chez DG. On imagine le sort élégant, plein d'une grâce aussi limpide qu'inutile qu'il a pu réserver aux Trente-trois variations sur un thème de valse de Diabelli op. 120, écrites entre 1822 et 1823.
Dès l'exposition de la valse initiale, il faut pourtant se rendre à l'évidence: ce Pollini-là est celui des très grands jours, visionnaire au diapason de la tension prodigieuse du monument beethovénien. Pollini va déployer les mouvements de ces Diabelli avec un mélange d'urgence et de rigueur architecturale qui va faire suffoquer ceux qui ont oublié que Beethoven n'est pas exactement un danseur de salon. Oui, Pollini frappe dur et à la tête, avec une sévérité qui ferait presque passer Richter, Schnabel ou Serkin pour des petits garçons. Et son voyage implacable en terres héroïques ne s'autorise aucune séduction gratuite. Capable de distance autant que de littéralité scrupuleuse, Pollini développe surtout une conception réellement globale du cycle, qui devient un exercice inquiétant de discipline, à mille lieues de la fantaisie que peut suggérer le mot de «variations». D'une clarté supérieure et d'une vivacité rythmique extrême, Pollini homogénéise là où d'autres différencient, condense là où d'autres divertissent, pousse le classicisme dans ses derniers retranchements et atteint une forme d'austérité toute contemporaine.
La gravité