Le train électrique, ça n'avait jamais été son truc. Il avait des copains, des cons, qui adoraient voir débouler les wagons depuis leur plus jeune âge et que cette passion imbécile n'avait jamais lâchés. Encore aujourd'hui, sanglés dans des costumes impeccables, ils s'agenouillaient devant des locomotives collector (1), seuls ou avec d'autres crétins festifs, comme dans cette séquence où Cary Grant joue au petit train dans On murmure dans la ville (Mankiewicz, 1951). Ces enfantillages tardifs, il les laissait à d'autres. Lui, quand il voulait régresser à tout prix, il regardait la version longue des Aventures de Pinocchio (1972), dont la VF délicieusement stridente lui faisait regretter de n'avoir pas été, dans une autre vie, une marionnette aussi méchante, aussi menteuse, avec un aussi grand nez et un aplomb aussi terrible. Trop tard, on ne se refait pas. Les jouets font rêver les petits comme le cinéma ne fait plus rêver les grands,
se dit-il. Il loua sur-le-champ deux enfants ravissants, deux garçons, à une entreprise de location d'enfants et se fit livrer quelques trains électriques (façon de parler, ils marchent tous à piles). Le jeu pouvait commencer.
Ouvrir les boîtes. Surveiller les yeux brillants, les mains impatientes qui n'arrivent pas à décoller le carton. Aider à l'assemblage, la partie la plus excitante mais aussi la plus fastidieuse. Le petit avait 6 ans. Il préféra le gros train Duplo (2), dont les brillantes couleurs (Lego s'en est fait une spécialité coûteuse