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Libération
Critique

Cuba en vers

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publié le 19 décembre 2000 à 8h16

Le premier grand poète cubain, Silvestre Balboa, était un Noir venu des Canaries: il chante les beautés de l'île et la révolte contre des corsaires français. Depuis, Cuba est une île de poètes. Son destin est en permanence chanté, en mode mineur ou majeur, épique ou intime. La grande actrice cubaine Alicia Bustamente, accompagnée par le pianiste Alfredo Rodriguez (très bon, tirant les standards cubains vers Ravel, Debussy ou Chopin) et l'acteur français Jean-Claude Feugnet (hélas, emphatique), récitent et chantent à la Maison de la poésie trois grands auteurs insulaires. Jose Marti (1853-1895), héros de l'indépendance, véritable Victor Hugo national, connut l'exil aux Etats-Unis et mourut stupidement au combat contre les Espagnols. Ses poèmes, fleuris et symboliques, passent mal la traduction: le jeu de voix mêlées entre la Cubaine si naturelle et le Français si faux, qui disent dans une langue et dans l'autre permet malheureusement de le vérifier. Ce qui, en espagnol, est un festin d'images sonores, devient pompeux en français. En revanche, la simplicité de Dulce Maria Loynaz (1902-1997) et les poésies noires, truculentes et populaires du premier Nicolas Guillen (1902-1989), franchissent bien la frontière de la langue. Deux moments forts et très cubains: quand Bustamente donne voix et chair à la merveilleuse Lettre d'amour à Toutankhamon (où Loynaz s'adresse à l'antique momie comme à un jeune fiancé) tandis que le vieux pianiste joue un nocturne de Chopin. Et lorsqu'elle di