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Libération
Critique

Les boulevards du crime

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publié le 21 décembre 2000 à 8h22

Le chevalier Dupin habite au 33 de la rue Dunot, mais c'est dans la rue Morgue qu'a lieu un double assassinat. Et Marie Roget cultive le mystère rue Pavée-Saint-André. Ainsi les personnages d'Edgar Poe agissaient-ils dans un Paris criminel que l'inventeur du roman policier ne connaissait que de réputation. En revanche, Pranzini assassina réellement Régine de Montille au 17 de la rue Montaigne en 1887. Le visiteur de l'exposition consacrée aux Crimes de Paris est, de la sorte, invité à circuler entre imaginaire et faits divers au cours d'un XIXe siècle coupé en son milieu par les grands travaux du baron Haussmann.

Professeur d'histoire contemporaine à l'université de Rennes et collaborateur à Libération, le commissaire de l'expo (le mot prend ici une résonance particulière!) Dominique Kalifa, a reconstitué une topographie en images (photographies, caricatures, gravures, affiches, estampes) et en mots (romans-feuilletons, manuscrits, albums, journaux) qui fait bien ressortir les décalages chronologiques entre fiction et réalité. La configuration du crime n'est pas la même selon qu'on la découvre dans les Mystères de Paris ou sur les fortifs. Histoires sanglantes, figures d'Apaches, attentats anarchistes, voisinage de la guillotine, mélodrames du boulevard du Temple, tout concourt à échauffer les esprits qu'une délinquance, transhumante mais constante, inquiète et exalte à la fois. Il faudra attendre la Première guerre mondiale pour que le Paris criminel soit frappé d'obsolescen