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Libération

Conte vulgaire

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publié le 22 décembre 2000 à 8h22

Etait-ce simplement une association d'idées? Peut-être, mais ce soir, alors que le millénaire allait bientôt changer d'âne, Lefourbe entendait vérifier l'agréable courbure de son mât pivotant. Il s'empara de son vieux combiné. Composa un numéro qu'il avait repéré dans un magazine spécialisé, ou sur une colonne Morris, il ne se souvenait plus.

Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas succombé à la folie du talk-chaud.

«Bonjour, comment t'appelles-tu?, avait dit la voix suave, je m'appelle Fortuna, et je suis ta salope.» «Je m'appelle Lefourbe», avait-il répondu la première fois avant de comprendre qu'il s'agissait d'une bande savamment enregistrée.

Cette fois, elle s'appelait Sequoia, elle était gentille, mais il avait lâché prise quand la charmante, de sa voix râpeuse, lui avait intimé de «rapprocher tes boules de mon sapinou»... La métaphore, Lefourbe était pour, mais pas là, pas jusqu'aux conifères. Il avait raccroché dépité avant de se tourner vers le petit autel doré qu'il consacrait à Julia, sa Julia. Quelques bougies, du bois peint, des photos couleur de la jeune femme, une culotte noire échancrée que la vendeuse lui avait emballée en couinant «c'est votre femme qui va être contente». Mais Lefourbe n'avait pas de femme. Il se mit à prier, c'était la période. «Julia, Julia, marmonnait-il, quand te parlerai-je enfin?» Et puis Lefourbe se dit que c'était trop con. Il s'était acheté pour Noël un ordinateur encore encartonné. Il décida de prendre les devants. Comme ça, pour voir