On dit à Marseille que le pastis sur la terrasse de la Samaritaine n'aura jamais le même goût qu'ailleurs. Surtout un soir de match de l'OM. Jean-Claude Izzo l'écrivait. Lui qui avait fait de Phocée le personnage central de ses romans. Son héros, Fabio Montale, n'était qu'une doublure. L'ex-flic aventurier et turbulent qu'il dirigeait de sa plume au pied de la bonne mère, la majesté Notre-Dame-de-la-Garde.
Il aimait tant Marseille, «ce précipité d'odeurs, cette poche de résistance à la xénophobie, une métaphore vibrante de l'ouverture au monde», qu'il a accepté sans hésitation le projet de livre du photographe argentin Daniel Mordzinski. Une balade dans sa ville. Restait à fermer le diaphragme pour recevoir toute la lumière de la Méditerranée. Celle de chez lui, du Panier, bien sûr, parce qu'on y sent le vieux coeur de Marseille palpiter. Celle du port de l'Estaque, cher à Robert Guédiguian, où il faut amerrir un soir pour comprendre le titre du dernier roman d'Izzo (Le Soleil des mourants, Flammarion). Entrouvrir aussi la porte des bars à putes, s'asseoir sous les tours des quartiers Nord ou sur la place populaire de Notre-Dame-du-Mont. L'objectif a des nostalgies d'enfance, celle de son père italien qui enlace sa femme espagnole. Un croisement comme seul Marseille en a le secret. Il y a aussi cette impression étrange qu'Izzo a écrit ce texte de très loin. Entrepris peu avant sa mort, l'ouvrage n'est en rien testamentaire. Mais cette lumière qui caresse les pierres chaudes d