Plus que quatre jours pour voir ou revoir les chefs-d'oeuvre
ou films méconnus de Luchino Visconti à Chaillot (Libération du 7 décembre). Mort à Venise (1970, photo), présenté à nouveau aujourd'hui, est certes l'un des films les plus célèbres du cinéaste italien mais aussi l'un de ceux qui posent le plus problème. D'une vision à l'autre, on pourra trouver cette adaptation d'un court roman de Thomas Mann mortelle d'ennui ou fascinante ; on pourra hurler contre l'esthétique décadente de Visconti après avoir été émerveillé par ce luxe de décors et de toilettes ; la prestation outrancière de Dirk Bogarde pourra déclencher des rires sardoniques ou un torrent de larmes selon que l'on considère son personnage comme une vieille chochotte refoulée ou un homme au soir de sa vie, etc. Dans son anthologie Lueur secrète (éditions Aléas), le cinéaste et ancien critique Jean-Claude Guiguet donne une clé d'interprétation séduisante qui permet de revoir Mort à Venise d'un oeil neuf. Une vision un peu rapide du film de Visconti pourrait laisser croire que Aschenbach-Bogarde, en convalescence à Venise, découvre la beauté juste avant de mourir. Pour Guiguet, le personnage est en fait déjà mort au début du film : c'est un fantôme qui déambule dans Venise avec sa malle «image de son propre cercueil», qui traverse la lagune comme dans la mythologie on franchissait l'Achéron. «La malle-cercueil égarée, Aschenbach remonte vers la lumière et la vie» et, poursuit Guiguet, «tous ces retours [de Bogarde]