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Libération
Critique

Butin de photographe

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publié le 12 janvier 2001 à 21h43

Leon Levinstein, grincheux notoire et photographe looser, ne parlait jamais aux gens qu'il saisissait dans son objectif. «Je n'avais aucune raison de le faire», dira-t-il un jour. Pourtant ce misanthrope ne fuyait pas la foule. Graphiste dans une agence de publicité pour payer son loyer, il passait tout son temps libre, le week-end et après les heures de bureau, dans la rue. Né en 1910 à Buckhannon (Virginie occidentale) dans la seule famille juive de la ville, Leon Levinstein arrive à New York en 1946. Pendant plusieurs décennies, il va photographier «la ville debout», en particulier Lower East Side. Avec son allure de privé miteux, il se fait oublier, tourne autour de ses sujets, photographie de manière obsessionnelle (Obsession est d'ailleurs le titre du livre qui accompagne l'exposition de Pontault-Combault). Il saisit tout: les amoureux, lui qui vécut sans femme, les aveugles et leurs sébiles épinglées à la veste, les durs, les paumés, les corps trop tannés et fatigués de Coney Island, une vieille valise en tissu quadrillé au bout d'un bras, une sacoche en cuir, molle d'usure. Puis il ordonne son butin d'images sans aucun souci chronologique autour de thèmes: Têtes, Fenêtres, Enfants, 42e rue, Boy and girl. Des photographies souvent recadrées serré. Très serré. Ici, le bras d'un dormeur sur la plage semble sortir de l'image, comme un poing tendu. Là, une vieille est enfermée dans un cadre sarcophage; là encore, de la bouche d'une militante du Christ sauveur, sortent des