Carrefour infernal ! Le bourdonnement automobile de Sébastopol-Rivoli effraie jusqu'au dernier des philanthropes. Une boutique s'offre en refuge, presque aussi désuète que l'appartement de monsieur Hulot. On y examine, sur des rayonnages de 3,50 m d'altitude, les trésors artistiques de l'Institut, on se familiarise avec l'architecture de l'Andalousie ou on se plonge dans un ouvrage, épuisé, de Ralph Gibson. Ici, que du soldé ou de l'occasion. Depuis un quart de siècle, Artem a trouvé le traitement contre le stress ambiant, en mêlant les coffee table books ces gros bouquins d'ornement qu'on ne lit pas et les ouvrages destinés à la recherche et à la documentation. Les volumes de démonstration débordent généreusement sur le trottoir. Leurs jumeaux se bousculent à l'intérieur. Vincent Evrard, propriétaire de cette librairie surchargée, confesse son tempérament par trop compulsif : «Heureusement que je n'ai pas trois fois plus d'espace, sinon il y aurait quatre fois plus de livres.»
S'il dirige également la librairie Dobkine, sur le quai des Grands- Augustins, il avoue son penchant pour la clientèle d'Artem. Surtout les dimanches, lorsque les flâneurs arrivent chez lui comme dans une oasis, prêts à se délecter des reliures cuir et de l'odeur de certains ouvrages. On dit même que les livres achetés à la Hune et revendus ici ont un parfum reconnaissable entre mille. Vincent raffole aussi de ces soirs où l'érudit à la recherche d'une improbable référence, déboule deux minutes ava