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Libération
Interview

Les passions irriguent aussi le réel politique.

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Monique Canto-Sperber : philosophe, spécialiste de la morale, réconcilie liberté individuelle et bien commun dans la société moderne.
publié le 10 février 2001 à 22h46
(mis à jour le 10 février 2001 à 22h46)

En quoi votre connaissance des philosophies de l'Antiquité vous permet-elle de mieux voir le monde politique d'aujourd'hui ?

Les problèmes politiques qu'ont connus les mondes antiques sont curieusement proches des nôtres. Les questions qui passionnaient les Anciens étaient celles du conflit dans la communauté politique, de l'unité de la cité et du bien commun. Les philosophes grecs prenaient aussi très au sérieux le rôle politique de la psychologie et des passions, comme le désir de possession ou l'amitié. Ces questions me paraissent essentielles pour toute politique moderne qui parle de ce que sont les hommes et les associations humaines.

Travailler le texte même de Platon, ce n'est donc pas «regarder en arrière» ?

Si, mais surtout pour mieux voir en avant, pour retrouver un sens du conflit, des obstacles humains, de la contingence, que les théories politiques modernes ont cherché à conjurer. Ainsi l'idée moderne que les institutions politiques, les arrangements économiques, les réalités culturelles peuvent résulter de la planification humaine ­ idée qui se trouve sous une forme extrême dans le communisme ­ peut valoir à la rigueur pour concevoir des idéaux abstraits. Mais en tant que principe d'action concrète, c'est une idée fausse et dangereuse. La politique, pas plus que l'économie, n'est l'objet d'une action délibérée et planifiée, parce qu'à côté de ce qui permet de planifier (la raison et l'intérêt), il y a des éléments irréductibles,