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Libération
Critique

Stations en apesanteur

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publié le 22 février 2001 à 23h05

Le regard fait s'incliner la tête, le coude monte et la jambe se tend jusqu'à l'extrême pointe. La danse de Myriam Gourfink est un art infinitésimal où l'on voit naître, vivre et s'éteindre le mouvement jusqu'à en sentir les vibrations dans son propre corps. Le solo Taire, cinquième création de la jeune chorégraphe en belle complicité avec le compositeur Kasper T. Toeplitz, prolonge une exploration basée sur la lenteur, l'immobilité et le regard intérieur à l'aide d'une partition de vingt-six formes conçues sur logiciel informatique. D'un repère à l'autre, la danseuse Laurence Marthouret ­ qui a transcrit ces figures en notation Laban ­ invente librement les passages, le rythme, les points d'appui et les temps de repos. L'essentiel se joue au sol par glissement et translation, contrairement à Too Generate (magnifiquement dansé la semaine dernière par Myriam Gourfink à la Ménagerie de verre) où les gestes tendaient davantage vers le haut, en totale osmose avec l'environnement sonore. Ici, reliée à l'espace délimité par les vingt-six stations, l'interprète évolue comme en elle-même, proche d'une sorte d'apesanteur amniotique, presque étrangère au son qui se joue en parallèle. Le musicien ne partage d'ailleurs pas le plateau, mais se tient posté au bord, les mains rivées à l'ordinateur, d'où il tire une gamme agressive de basses et d'aigus poussés jusqu'à l'inaudible et qui nous pénètre jusqu'au moindre interstice. Une expérience à vivre.

Au studio du Centre national de la danse