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Interview

La peste bovine tua jadis 10 000 bêtes par jour

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Jean Blancou : vétérinaire et chercheur, se livre à un voyage érudit dans l'histoire des épidémies animales.
publié le 3 mars 2001 à 23h52

A la différence de la fièvre aphteuse qui sévit en Grande-Bretagne, la maladie de la vache folle suscite une immense peur d'une contamination humaine. Est-ce la première fois qu'une maladie animale inspire une si grande crainte?

Non, il existe une maladie très comparable à l'encéphalopathie bovine spongiforme (ESB), par sa nature et par la peur qu'elle a portée: c'est la rage. Pendant des millénaires, les gens ont redouté cette maladie transmise à l'homme par le chien. Elle est déjà décrite dans un texte babylonien sous le nom de «Kaduh-hu», ce qui signifie «avec la bouche ouverte», et c'est sans doute la maladie animale qui a fait l'objet du plus grand nombre d'ouvrages. Comme l'ESB, c'est une maladie d'incubation longue, parfois de plusieurs années, pour laquelle il n'y avait pas de diagnostic préclinique, pas de traitement, et qui provoquait une déchéance physique et une démence fatale certaines. Ainsi, après une morsure, on vivait dans la hantise de succomber à la rage. Pis, on vivait avec le spectre de la «rage furieuse», la peur de mourir fou. D'où le succès extraordinaire de Pasteur : il a libéré l'humanité de l'angoisse de la rage , du moins les pays qui ont les moyens de vacciner. Car la rage tue encore 30 000 personnes par an en Afrique et surtout en Asie. Mais, dans les pays développés, d'où elle a disparu, la peur d'être contaminé par la vache folle a pris le relais, avec force.

N'est-ce pas aussi parce que l'ESB présente des caractères exceptionnels qui compliquen