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Libération

Vézelay en état de grâce

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Itinéraire spirituel, de la basilique Marie-Madeleine à Châtillon-sur-Seine.
publié le 10 mars 2001 à 23h59

Vézelay, Fontenay, Châtillon-sur-Seine

envoyé spécial

Sur les pas de Bernard de Clairvaux, on ne s'attend guère à tomber sur le souvenir de Georges Bataille. Il est pourtant enterré dans le petit cimetière de Vézelay, au-dessus du vallon où le moine prêcha la deuxième croisade. Comme le cimetière est à sa manière romanesque, on peut débuter la balade en déchiffrant quelques tombes. Car, hors les gens du cru, ceux qui sont couchés là, au pied de la basilique Marie-Madeleine, furent souvent des imprécateurs, des dérangeurs de conscience ou des frôleurs d'abîmes. La tombe de Bataille est difficile à trouver. Une dalle sombre et nue, un nom presque effacé. Revanche de la vacuité sur celui qui fit de l'érotisme une théologie d'une noire incandescence.

A quelques croix de là, c'est incroyable mais on est chez Claudel. Le grand poète chrétien n'est pas enterré là mais il est présent, à cause de celle dont la beauté le fit sombrer dans l'amour fou. Dans le Partage de midi, elle a nom Ysé. Dans le Soulier de satin, elle est Doña Prouhèze. Dans le cimetière, elle s'appelle Rosalia Scibor de Rylska. Elle partage sa tombe avec ses deux époux, mais le vers sur la croix polonaise est bien de Claudel : «Seule la rose est assez fragile pour exprimer l'éternité.» La rose est d'ailleurs là, même au coeur de l'hiver, grâce à un rosier planté sur la tombe.

«Belle amoureuse». D'autres amoureux de Marie-Madeleine sont enterrés tout près : un homme de vérité, le philosophe-imprécateur Maurice Clavel,