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Libération
Critique

La profondeur des champs

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publié le 15 mars 2001 à 0h03

On se croirait dans une exposition surréaliste de l'entre-deux-guerres, mais c'est en fait un lieu de culte des années 50, une grotte sicilienne au nom d'eau gazeuse, celle de Monte Pellegrino. Faute de se faire entendre de Dieu, les fidèles s'adressent à un trio de martyrs et saints guérisseurs: Alfio, Filadelfio et Cirino. Photographiée par André Martin, une aveugle (à droite) demande qu'on lui rende la vue. Au mur, un accrochage de membres de cire rose: jambes, pieds, mains, bras. Ce sont des offrandes, en remerciement pour des guérisons précises. Presque des reliques en somme, porteuses de la force miraculeuse des saints et que la photographie ­ qui par nature s'y connaît en matière de reliques, celles des moments passés ­ a fixées ici.

La galerie Fait & Cause expose des images de l'Italie du Sud d'André Martin (disparu l'année dernière), à l'occasion de la réédition de son livre les Noires Vallées du repentir. Des photographies d'un monde paysan d'avant le bitume, parcouru par d'innombrables ânes, fait de pauvreté et de croyances obscures. Dans la pénombre des chapelles, les visages des femmes implorantes sont des masques antiques. Sanglots, gesticulations, paroles incohérentes, la religion est théâtralisée à l'excès. De longues légendes accompagnent les clichés. Ici, «soutenue par ses parents, une femme en transe pénètre dans l'église en quête du Salut»... Là, un homme rampe dans l'allée centrale «la langue collée au dallage, geste de servitude propitiatoire». Là encore