Ils s'étaient rencontrés le matin même sur le pont d'Avignon, trop petits pourtant pour savoir qu'on y dansait en rond. Ils ne voyaient rien, occupés qu'ils étaient à jouer au docteur. Mickey avait baissé sa culotte, ce qui n'avait pas du tout impressionné Minnie. Elle avait une douzaine de frères et savait à quoi s'en tenir. Jouer au docteur pour Mickey, ça voulait dire que Minnie devait elle aussi, c'était le jeu, baisser sa culotte. Pas question. Elle préférait ausculter les oreilles de Mickey (qui étaient très grandes) et écouter amoureusement sa respiration. Elle aurait aussi voulu qu'il lui fasse une déclaration, mais ça, il n'en était pas question. Il avait cinq ans, il aurait préféré mourir. Plus tard, on verrait plus tard.
«Le vrai, le faux/le laid, le beau/le dur, le mou/qu'a un grand cou/le gros touffu/le petit joufflu», Mickey connaissait par coeur Le Zizi de Pierre Perret (1), une chanson que les gosses adorent parce qu'elle est à mille lieues des comptines convenables pour enfants trop sages (2). On avait bien essayé de le rééduquer à coup de Mega P'tits Loups (3), de Sylvie Vartan (4) et même de Steve Waring (5), rien n'y faisait, il revenait toujours au Zizi. Mickey aimait aussi Les Jolies Colonies de vacances, mais il détestait l'autre chanson «pour enfants» de Pierre Perret, Ouvrez la cage aux oiseaux. Trop tarte, définitivement trop tarte. Minnie, elle, adorait Lily, complainte militante sur une petite esclave immigrée. Elle se mélangeait toujours les pédal