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Libération
Critique

Big Mamou

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publié le 23 mars 2001 à 0h10

C'est un Dieu vivant, Jimi Mamou. Un imprécateur, un prédicateur, un procureur, mais c'est surtout la réincarnation noire de Captain Beefheart et Bob Dylan. Cet Immoral genius, ce moral moron (crétin moral, dit le Larousse) est entré en croisade contre le fils Bush. Il l'incendie furieusement dans un soul blues qui en fera bientôt l'homme le plus recherché des Etats-Unis. «Moi, Jimi Mamou/ Musicien de San Francisco/ Je chante le rythm'n blues depuis quarante ans/ Je chante mon feeling d'injustice/ Celui des millions d'Américains qu'on n'entend jamais.» Dylan pour les paroles, Beefheart pour la manière rauque, presque blanche, de revisiter Blind Lemmon Jefferson. On a trop peu l'occasion d'entendre ces grands bluesmen noirs qui s'inspirent avec des accents funky des protest singers blancs pour passer sous silence le grand Mamou.

Le blues, la country, la soul, c'est ça: des allers-retours géniaux entre chants nègres (Big Boy Crudup, Muddy Waters) et attitudes blanches (Presley, Stones), soul brothers noirs (Sam Cooke, Ray Charles) et country fusion (George Jones). Mamou, c'est la scansion acide du Beefheart sous influence gospel, le lyrisme dénonciateur de Dylan, lui-même sous influence gospel depuis près de quarante ans, comme le prouve son nouveau disque, Thirty Nine Years of Great Concert Performances (Sony/Japon, le meilleur Dylan depuis dix ans): de Wade in the Water (1961) à Somebody Touched Me (2000), seize preuves irréfutables que c'est bien le blues nègre, et plus enco