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Interview

La vie est mouvante, c'est cette complexité qu'il faut représenter

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Ted Nelson : pionnier de l'hypertexte, il imagine un monde plus vaste que l'Internet.
publié le 26 mai 2001 à 1h01

Vous êtes l'inventeur de Xanadu (1), «le projet original de l'hypertexte», que vous avez imaginé en 1960. Comment est née cette idée de bibliothèque universelle?

Je devais avoir cinq ans; sur un bateau en compagnie de mon grand-père, je laissais ma main flotter au fil de l'eau. Je pensais à l'eau coulant entre mes doigts et aux effets qu'elle provoquait en moi. C'est à ce moment-là que j'ai pris conscience de la complexité du monde: comment parvenir à traduire les effets de l'eau sur mes mains? Comment décrire la complexité de l'univers s'exprimant sur une surface aussi minuscule? Tout peut être expliqué de mille façons. Tel ce verre, il y a tant de manières d'en parler... Tout dépend des contextes. Toute description recèle une forme de mensonge, parce que l'on rate des milliers de connexions possibles. J'ai donc été très vite saisi par cette complexité des choses, cette difficulté à les appréhender dans leur globalité. Ainsi je ne parviens jamais à finir un texte, il y a toujours d'autres choses à dire. Et toute idée tente, toujours, de s'échapper, de s'éparpiller dans d'autres directions: c'est cela, l'«hypertexte» (2). L'hypertexte tend à représenter exactement ma pensée. Car le texte est quelque chose d'intrinsèquement séquentiel (3), imposé à tous, mais cette séquentialité n'est pas nécessaire en réseau. L'hypertexte, au contraire, est une écriture non séquentielle, un tissage d'idées. Et cela n'a rien à voir avec l'informatique...

Sauf que la réalisation d'un tel projet