«Alors, une jeune femme est arrivée au Tigre d'or...» Ce sont-là les premiers mots de Peurs totales, un texte fulgurant de Bohumil Hrabal où le grand écrivain tchèque de la seconde moitié du XXe siècle raconte sans fard sa peur des «gars du ministère de l'Intérieur», comment la boisson conjure cette saleté, comment «l'écriture est le seul salut face à ce tendre terrorisme policier». L'écriture, c'est-à-dire la palabre, le soliloque exacerbé, chaloupé, la parole et ses errances, ses affabulations, une fabuleuse soûlerie. Et la brasserie du Tigre d'or, la table et le retable de cette palabre. Sous le titre Bohumil Hrabal, le palabreur, le centre tchèque de Paris honore cet auteur mort en 1997. A travers une rétrospective des films et non des moindres dont il fut le scénariste, à commencer par ceux de Jiri Menzel (Trains étroitement surveillés, la Mort de monsieur Baltazar, etc.) ou d'Ivan Passer (du 6 au 20 juin au cinéma Accattone, à Paris), un spectacle (d'après l'un de ses meilleurs livres Une si bruyante solitude) et un colloque (le 8 juin à l'université Paris IV-Sorbonne et le 9 juin au Centre tchèque). Laissons-lui le dernier mot : «Je suis donc un membre correspondant de l'Académie du palabre, un étudiant de la chaire de l'euphorie, mon dieu est Dyonisos, adolescent ivre et gracieux, la Joie faite homme, mon père spirituel est Socrate qui engage patiemment conversation avec quiconque pour le mener, par et à travers la langue, au seuil du non-savoir, mon fils premier-né
Critique
Au seuil du non-savoir
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publié le 4 juin 2001 à 1h08
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