En 1957, Douglas Sirk réalise son avant-dernier film pour Hollywood : le Temps d'aimer et le temps de mourir (photo), adaptation d'un roman d'Erich Maria Remarque sur un jeune soldat du IIIe Reich qui sera abattu en Russie après avoir un trop bref instant embrassé le bonheur lors d'une permission. Le sujet ne pouvait que toucher Sirk, Allemand exilé à Hollywood pour raisons politiques (son antinazisme) et sentimentales (son remariage avec une actrice juive) : séparé définitivement de son fils, acteur éphémère du cinéma nazi, il apprit bien après l'armistice sa mort à vingt ans, en 1944, sur le front russe... Ce drame intime explique pour partie la pudeur et la retenue de ce film poignant, loin des effets baroques utilisés par Sirk dans ses autres mélodrames pour Universal (le Secret magnifique, Mirage de la vie...). Un réalisme éprouvant domine dans les scènes de Berlin en ruines, tout juste tempéré par la poésie des rencontres entre John Gavin et la douce Liselotte Pulver. Dans la plus belle d'entre elles, un arbre de vie veille sur leur amour naissant, les branches en fleur malgré l'hiver. Dans la séquence finale, alors que John Gavin apprend dans une lettre sa future paternité, on retrouvera cet arbre, décharné cette fois, comme un signe prophétique. Deux plans plus tard, le jeune soldat est mort.
Grand Action. 5, rue des Ecoles, 75005. M° Cardinal-Lemoine . Le Temps d'aimer et le temps de mourir, dimanche à 14h10, 16h40, 19h10, 21h40. Dans le cadre de la rétrospective «L