On pourra voir ou revoir aujourd'hui à l'Action Ecoles le chef-d'oeuvre humaniste et expressionniste d'Akira Kurosawa: l'Ange ivre. Réalisé en 1948, ce film est le premier d'une longue collaboration entre le cinéaste et l'acteur Toshiro Mifune... qui se fâcheront dix-sept ans et seize films plus tard sur Barberousse. Avec l'Ange ivre, débarrassé des films de commande, Kurosawa réalise une oeuvre personnelle, désabusée, dans laquelle on respire peu. Il décrit un Japon d'après guerre comme noyé dans une mare boueuse. Avec son brillant duo d'acteurs, l'Ange ivre narre en contrepoint un conflit entre le gangster tuberculeux Matsunaga (Toshiro Mifune) et l'ivrogne mais juste Dr Sanaga (Takashi Shimura). Le contrepoint permet d'aborder un sujet grave, un drame, tout en évitant les pompiers, le feu, le pathos facile. Entre le son et l'image, la chose consiste, par exemple, à plaquer une musique joyeuse (la Valse du coucou) sur la scène la plus sombre et désespérée (Matsunaga rejeté par le marchand de fleurs). Le contrepoint narratif (un riche tuberculeux, un médecin alcoolique) va justifier l'entêtement lyrique et illusoire des personnages. On pense à Murnau. De la boue surgira un mince espoir. A la fois une déclinaison fine et une ébauche contrastée, l'Ange ivre se révèle la pierre angulaire de toutes les thématiques à venir, le chef-d'oeuvre qui préfigure les chefs-d'oeuvre du cinéaste nippon.
Action Ecoles. 23, rue des Ecoles, 75005. «L'Ange ivre», aujourd'hui à 14 h, 16 h 30, 19